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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 4Le phoque blanc


(The White Seal)

Dors, mon baby, la nuit est derrière nous,

Et noires sont les eaux qui brillaient si vertes.

Par-dessus les brisants la lune nous cherche

Au repos entre leurs seins soyeux et doux.

Où flot touche flot, fais là ton nid clos,

Roule ton corps las, mon petit nageur,

Ni vent, ni requin t'éveille ou te blesse

Dormant dans les bras des lents flots berceurs.

Berceuse phoque.

* * *

Les choses que je vais dire sont arrivées, il y a plusieurs années, en un lieu appelé Novastoshnah, à la pointe nord-est de l'île de Saint-Paul, là-bas, là-bas, dans la mer de Behring. Limmershin, le roitelet d'hiver, m'a raconté l'histoire quand il fut jeté par le vent dans le gréement d'un steamer en route pour le Japon. Je l'avais descendu dans ma cabine, réchauffé et nourri durant deux jours, jusqu'à ce qu'il fût en état de retourner à Saint-Paul. Limmershin est un drôle de petit oiseau, mais qui sait dire la vérité.

Personne ne vient à Novastoshnah, hormis pour affaires ; et les seules gens qui aient là des affaires régulières sont les phoques. Ils y abordent pendant les mois d'été, et c'est par centaines et centaines de mille qu'on les voit émerger de la froide mer grise ; car la grève de Novastoshnah offre plus de commodités aux phoques que nul lieu du monde. Sea Catch le savait ; aussi, chaque printemps, partait-il à la nage — d'où qu'il se trouvât — fonçant, comme un torpilleur, droit sur Novastoshnah, où il passait un mois à se battre avec ses camarades pour une bonne place dans les rochers, aussi près de la mer que possible. Sea Catch avait quinze ans d'âge : c'était un énorme phoque gris, dont la fourrure sur les épaules ressemblait à une crinière, et qui montrait de longues canines à l'air mauvais. Quand il se soulevait sur ses nageoires de devant, il dominait le sol de quatre pieds au moins, et son poids, si quelqu'un eût osé le peser, aurait atteint près de sept cents livres. Il était tout couvert de cicatrices de ses furieuses batailles, mais toujours prêt à une bataille de plus. Il mettait sa tête de côté, comme s'il avait peur de regarder son ennemi en face ; mais il la projetait en avant, plus prompt que la foudre, et, une fois les fortes dents fixées dans le cou d'un autre phoque, l'autre phoque s'en tirait comme il pouvait, mais Sea Catch ne l'y aidait pas. Pourtant Sea Catch n'aurait jamais attaqué un phoque déjà battu, car cela était contre les Lois de la Grève. Tout ce qu'il lui fallait, c'était son emplacement près de la mer pour y établir son ménage ; mais, comme il se trouvait quarante ou cinquante mille autres phoques en quête, tous les printemps, de la même chose, les sifflements, les meuglements, les hurlements et les rauquements qu'on entendait sur la grève faisaient un terrible concert. D'une petite colline, appelée Hutchinson's Hill, on pouvait découvrir trois milles et demi de terrain couvert de phoques en train de combattre, et l'écume se tachetait sur toute la baie de têtes de phoques se hâtant vers la terre pour y prendre leur part de bataille. Ils se battaient dans les brisants, ils se battaient sur le sable, ils se battaient sur les basaltes, polis par l'usage, des rochers où s'établissaient les nurseries, car ils étaient tout aussi stupides et difficiles à vivre que des hommes. Leurs compagnes n'arrivaient jamais à l'île avant la fin de mai ou le commencement de juin, ne tenant pas à être taillées en pièces ; et les jeunes phoques de deux, trois et quatre ans, qui n'avaient pas encore commencé la vie de ménage, s'avançaient d'un demi-mille environ à l'intérieur des terres, à travers les rangs des combattants, et jouaient sur les dunes par troupeaux et par légions, effaçant jusqu'à la moindre trace de verdure alentour. On les appelait les holluschickie — les célibataires — et il y en avait peut-être deux ou trois cent mille à Novastoshnah seulement.

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