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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 44


Tout l’hiver, François est resté couché ; sa jambe était cassée en deux endroits. Il y a eu des complications, je ne sais quoi… Voici huit jours seulement qu’il se lève.

Nous avons eu un été bien froid et très peu de fruits. Rien de nouveau dans nos campagnes. Ma cousine Colette Dorin a accouché d’un enfant le 20 septembre. C’est un garçon. Je n’étais allé au Moulin-Neuf qu’une fois depuis le mariage. J’y suis retourné à l’occasion de cette naissance. Hélène était auprès de sa fille. De nouveau l’hiver – monotone saison. Le proverbe oriental qui dit que les jours rampent et les années volent n’est vrai nulle part autant qu’ici. De nouveau la nuit qui tombe à trois heures, le vol des corbeaux, la neige sur les chemins et, dans chaque maison isolée, la vie qui se rétrécit, semble-t-il, qui n’offre à l’extérieur que la surface la plus réduite, longues heures qui s’écoulent près du feu, sans rien faire, sans lire, sans boire, sans même un rêve.

Hier, 1er mars, par un jour de soleil et de grand vent, je suis parti de bonne heure de chez moi pour aller toucher de l’argent à Coudray. Le père Declos me doit huit mille francs sur la vente de mon pré. Je m’attardai au bourg où on m’offrit une bouteille. Quand j’arrivai à Coudray, c’était le crépuscule. Je traversai un petit bois. De la route on voyait ses jeunes et tendres arbres verts qui séparent Coudray du Moulin-Neuf. Le soleil se couchait. Quand j’entrai sous-bois, l’ombre des branches faisait déjà la nuit sur la terre. J’aime nos bois silencieux. On n’y rencontre pas une âme à l’ordinaire. Je fus surpris en entendant tout à coup près de moi une voix de femme qui appelait. C’était un appel modulé sur deux notes très hautes. Quelqu’un siffla en réponse. La voix se tut. Je me trouvais alors près de l’étang. Les bois de mon pays contiennent des pièces d’eau, inaccessibles aux regards, enfermées entre les arbres, défendues par des cercles de joncs. Moi, je les connais toutes. Quand la saison des chasses est venue, je passe ma vie sur leurs bords. J’avançai très doucement. L’eau brillait et il y avait autour d’elle une vague lumière, comme celle que répand un miroir dans une pièce sombre. Je vis un homme et une femme marcher l’un vers l’autre, sur le sentier entre les joncs. Je ne pouvais pas distinguer leurs traits, seulement la forme de leurs corps (ils étaient grands et bien bâtis tous les deux) et que la femme portait une veste rouge. Je poursuivis ma route ; ils ne me virent pas ; ils s’embrassaient.

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