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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 3Comédie romantique au Lumina Diner


Claire

La première chose que Claire remarqua en arrivant au Lumina Diner fut la manière dont l'enseigne néon pulsait contre la vitre, projetant des éclats turquoise et roses sur le trottoir mouillé, comme une scène tout droit sortie d'un classique Technicolor. La lumière semblait démesurée, presque théâtrale dans son intensité, et totalement en décalage avec le calme de la rue. Pendant un instant, elle hésita près de la porte, l'éclat lumineux pesant sur elle comme un projecteur indésirable. Elle aurait dû rentrer chez elle après le film—s'envelopper dans une couverture, à l'abri dans la solitude de son appartement—mais au lieu de cela, elle se retrouvait ici, suivant un inconnu dans cet endroit kitsch et excessivement nostalgique.

S’installant dans la banquette en cuir rouge face à Aiden Monroe, Claire ajusta son blazer et croisa les chevilles sous la table, pleinement consciente de l’incongruité de sa présence. Les accents chromés du diner et les airs rétro du juke-box criaient à la spontanéité décontractée, tandis qu’elle, dans sa jupe crayon ajustée et ses ondulations soigneusement coiffées, semblait appartenir au monde rigide des obligations professionnelles. Elle posa ses mains soigneusement sur ses genoux, ses doigts effleurant le bord de son miroir compact bien rangé dans sa poche. Le poids familier de celui-ci la rassurait, même si l'atmosphère alentour semblait vouloir l'entraîner dans un chaos pour lequel elle n'était pas préparée.

« Tu vois ? » Aiden fit un geste autour de lui avec un sourire, ses yeux bleus captant la lueur vacillante du néon. « Classique, non ? On dirait qu’on est entrés sur le plateau d’une comédie romantique. On entend presque la musique du "coup de foudre" en fond. »

Claire haussa un sourcil, son ton sec. « Coup de foudre ? C’est censé être ça, selon toi ? »

« Trop tard pour ça, » répondit-il, s'adossant avec une aisance amusée. « On s’est déjà rencontrés. Là, c’est plutôt la scène du montage—tu sais, milkshakes, dialogues pleins d’esprit, et probablement quelques leçons de vie d’ici le troisième acte. »

« Dialogues pleins d’esprit ? » répéta-t-elle, le coin de ses lèvres frémissant malgré elle. Son énergie absurde avait quelque chose de désarmant, comme s’il refusait de prendre le monde—ou son attitude réservée—trop au sérieux.

Comme pour donner du poids à ses paroles, la serveuse apparut, ses lunettes ailées et son sourire radieux s’intégrant parfaitement au thème rétro du diner. « Qu’est-ce que je vous sers ce soir ? » demanda-t-elle, son stylo prêt à chorégraphier le prochain moment.

Claire commanda un café noir, sa voix concise mais polie. Elle avait besoin de quelque chose de simple et réconfortant. Aiden, quant à lui, commanda un milkshake au chocolat avec un geste théâtral.

« Oh, excellent choix, » dit la serveuse, ses yeux pétillant tandis qu’elle notait. « Le meilleur de la ville. Certains disent que c’est de la poésie dans un verre. »

Aiden éclata de rire, son sourire s’élargissant. « Eh bien, j’ai toujours été un mécène des arts. »

Claire regarda par la fenêtre lorsque la serveuse s’éloigna, reconnaissante pour cette brève pause. Les lumières de la ville dansaient contre le verre, leur éclat adoucissant les contours de son malaise. Mais lorsque les boissons arrivèrent, son attention revint à Aiden, qui prit une gorgée exagérée de son milkshake, ses yeux se fermant avec une révérence simulée comme s’il venait de goûter le divin.

« Si bon que ça ? » demanda Claire en entourant sa tasse de café de ses mains, son ton sceptique mais teinté de curiosité.

Il reposa le verre, essuyant dramatiquement une larme imaginaire au coin de son œil. « Révolutionnaire. »

Elle secoua la tête, riant doucement malgré elle. « Tu es incorrigible. »

« Et pourtant, tu es là, » taquina-t-il en se penchant en avant. « Admets-le. Tu t’amuses. »

Le mot resta coincé dans sa gorge. S’amuser n’était pas une chose qu’elle s’autorisait à prendre à la légère—pas depuis que tout s’était effondré. Mais quelque chose dans l’enthousiasme inébranlable d’Aiden était contagieux. Désarmant. C’était comme s’il la défiait de relâcher la prise serrée qu’elle gardait sur elle-même, ne serait-ce qu’un instant.

Avant qu’elle ne puisse formuler une réponse, Aiden plongea sa main sous la table, ses doigts effleurant quelque chose de caché. « Ah, voilà, » dit-il en ouvrant un petit tiroir intégré au côté de la banquette. À l’intérieur, un fouillis de morceaux de papier : serviettes pliées, reçus, et notes griffonnées, chacune portant des messages plus ou moins lisibles. « Tu connais ? » demanda-t-il en brandissant une des notes avec fierté. « Le "Diner Drawer". C’est une sorte de tradition ici. Les gens laissent des messages—des secrets, des déclarations d’amour, des pensées aléatoires. C’est comme une capsule temporelle de réflexions nocturnes. »

Claire fronça légèrement les sourcils, sa curiosité éveillée malgré elle. « Les gens font vraiment ça ? »

« Bien sûr. C’est une tradition. Regarde. » Il lui tendit une note, ses bords usés par le temps.

Dépliant le papier, Claire le lissa sur la table. L’écriture irrégulière disait : *Tu es ma lune et mes étoiles, même si tu ne le sauras jamais.* Quelque chose en elle se fissura, légèrement, alors que les mots faisaient écho en elle. Une douleur sourde s’enroula dans son ventre, réveillant des pensées qu’elle avait enfouies il y a longtemps. Elle posa rapidement la note, pressant les coins à plat comme pour empêcher le papier de s’infiltrer davantage dans son cœur.

Aiden ne remarqua pas sa réaction. Il fouillait déjà dans le tiroir, en tirant un autre morceau. « "Si les extraterrestres viennent un jour, j’espère qu’ils apporteront un meilleur café", » lut-il à haute voix, souriant. « Voilà un optimisme que je peux soutenir. »

Claire gloussa faiblement, dissimulant la tension dans sa poitrine avec une autre gorgée de café. « Tu es étrangement passionné par ça. »

« Hé, c’est comme une petite fenêtre sur la vie des gens, » dit-il, sa voix légère mais réfléchie. « Fascinant, non ? Tous ces petits fragments d’eux-mêmes qu’ils ont choisi de laisser derrière. »

Le regard de Claire resta fixé sur le tiroir, sa poitrine se serrant à nouveau. Il y avait quelque chose de profondément vulnérable dans ce concept—laisser des morceaux de soi pour que des inconnus les trouvent. Quel genre de note aurait pu écrire son ancien moi, avant que le chagrin ne bouleverse son monde ? Peut-être quelque chose de plein d’espoir. Romantique. Et maintenant ?

Sans réfléchir pleinement, Claire plongea la main dans le tiroir, ses doigts effleurant une serviette vierge. Elle la sortit et la posa sur la table, la surface vide la défiant du regard.Sa main trembla lorsqu’elle saisit le stylo—hésitante, le poids du moment pesant lourd sur ses épaules.

Enfin, les mots jaillirent : *Le chagrin d’amour est une chose silencieuse. Il ne brise pas—il s’infiltre, laissant des fissures que personne d’autre ne peut voir.*

Elle se figea aussitôt après avoir écrit ces mots, un regret poignant envahissant sa poitrine. Qu’est-ce qui avait bien pu la pousser à écrire cela ? C’était trop brut, trop exposé. Ses doigts se refermèrent sur les bords de la serviette, prête à la froisser jusqu’à la rendre méconnaissable.

« Attends. » La voix d’Aiden était douce mais ferme, stoppant son geste. Il se pencha en avant, son regard perçant. « Ne fais pas ça. »

« Ce n’est rien », dit-elle rapidement, sur la défensive.

« Ce n’est pas rien. » Sa voix était plus basse maintenant, empreinte d’un respect tangible. « Ça... c’est sincère. Beau. »

Le souffle de Claire se coupa, le poids de ses mots s’installant inconfortablement dans sa poitrine. Il n’y avait aucune moquerie dans son ton, aucune remarque légère pour détourner l’attention. Ce moment semblait trop intime, trop réel. Elle poussa la serviette vers le tiroir, espérant dissimuler cette vulnérabilité.

Aiden ne la pressa pas. À la place, il plongea une main dans son sac et en sortit son appareil photo. Elle cligna des yeux alors qu’il ajustait l’objectif avec une précision méticuleuse, ses gestes mesurés et délibérés.

« Qu’est-ce que tu fais ? » demanda-t-elle, sa voix tranchante d’inquiétude.

« Je l’immortalise », répondit-il simplement, abaissant son œil au viseur. Le doux clic de l’obturateur résonna dans sa poitrine. « Ce tiroir—il est rempli d’histoires. La tienne en fait désormais partie. »

Pendant un instant, elle eut envie de lui ordonner d’effacer la photo, d’effacer toute trace de ce moment de faiblesse. Mais l’attention bienveillante qu’il avait montrée—la manière dont il avait traité ses mots comme s’ils comptaient réellement—l’arrêta. Il ne se contentait pas de prendre une photo. Il préservait une fragilité qui, contre toute attente, méritait d’être conservée.

Elle expira lentement, ses doigts effleurant sa poche et le métal froid de son miroir compact. « Tu es une personne étrange », finit-elle par dire, adoucissant légèrement son ton.

« Il en faut une pour en reconnaître une », répliqua-t-il avec un sourire qui réapparut.

La tension dans sa poitrine s’apaisa légèrement, cédant la place à quelque chose de plus doux. Peut-être qu’il était étrange. Mais d’une manière qui la faisait se sentir... vue. Comme s’il comprenait les fissures qu’elle s’efforçait tant de cacher—et qu’il ne la jugeait pas pour cela.

Ils restèrent un peu plus longtemps au diner, leur conversation dérivant vers des sujets plus légers. Quand ils sortirent enfin dans l’air frais de l’automne, avec la ville scintillant autour d’eux, les réticences qu’elle avait ressenties plus tôt s’étaient adoucies, laissant place à une curiosité timide sur ce que la nuit pourrait leur réserver.

Aiden la regarda, son expression à moitié taquine, à moitié sincère. « Alors, verdict ? Ça valait le détour ? »

Claire hésita, puis se permit un léger sourire. « Ça commence à me plaire. »

« C’est un début », répondit-il, sa voix chargée d’une promesse implicite. « À l’Acte Deux. »

Claire le regarda du coin de l’œil, ses doigts effleurant à nouveau le bord de son miroir compact. Elle ne savait pas ce que l’Acte Deux lui réservait. Mais pour la première fois depuis longtemps, elle ressentit un léger frémissement d’un sentiment qu’elle n’avait pas osé espérer : la possibilité.