Chapitre 4 — CHAPITRE IV<br/><br/>Un docteur à la mode
J’avais une invitation permanente à dîner à l’hôtel du Faubourg tous les Dimanches. Le Comte avait depuis longtemps abandonné sa prévention contre les docteurs ; vraiment il était charmant avec moi. Dîner de famille ; seulement monsieur l’Abbé, et, à l’occasion, le cousin de la Comtesse, le Vicomte Maurice, qui me traitait avec un sans-gêne presque insolent. Il me déplut, à première vue et je découvris bientôt qu’il déplaisait à d’autres. Il était évident que le Comte et lui avaient peu à se dire. L’abbé était un prêtre de la vieille école et un homme du monde, qui en savait bien plus que moi sur la vie et la nature humaine. Au début il fut très réservé à mon égard et souvent, en voyant ses yeux pénétrants fixés sur moi, il me semblait qu’il en savait plus long que moi sur la colite. Je me sentais presque honteux devant ce vieil homme ; j’aurais aimé lui parler ouvertement et abattre mon jeu, mais je n’en eus jamais l’occasion. Je ne pus jamais le voir seul. Un jour que j’entrais dans ma salle à manger pour avaler un déjeuner hâtif avant ma consultation je fus surpris de le trouver là à m’attendre. Il me dit qu’il était venu « proprio motu » en qualité de vieil ami de la famille et qu’il désirait me voir garder le silence sur sa visite. « Vous avez admirablement réussi avec la Comtesse », commença-t-il, « et nous vous sommes tous très reconnaissants. Je dois vous féliciter aussi au sujet de la Marquise ; je sors de chez elle, je suis son confesseur et je dois avouer que je suis étonné de la voir tellement mieux à tous les points de vue ; mais je suis venu aujourd’hui pour vous parler du Comte ; son état me préoccupe beaucoup. Je suis sûr qu’il file un mauvais coton ; il ne sort presque jamais, passe presque toutes ses journées dans sa chambre à fumer de gros cigares, s’endort pendant des heures après le déjeuner, et souvent je le trouve, à toute heure, assoupi dans son fauteuil un cigare aux lèvres. À la campagne il est un tout autre homme. Tous les matins il monte à cheval après la messe, il est actif et gai et s’intéresse vivement à la gestion de ses vastes propriétés. Son seul désir est d’aller à son château en Touraine et si, comme je le crains, il ne peut décider la Comtesse à quitter Paris, je conclus à regret qu’il doit y aller tout seul. Il a grande confiance en vous et si vous lui dites que sa santé exige qu’il quitte Paris il le fera. Je suis précisément venu vous demander de faire cela. »
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