Télécharger l'application

Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 3Un allié inattendu


Alternance entre Emma Leblanc et Alex Verner

La pluie ruisselait sur les vitres d’un café discret, à l’écart des ruelles animées d’Annecy. À travers les carreaux embués, Emma scrutait les silhouettes floues des passants indifférents, tandis que l’amertume de son café noir se mêlait à son malaise grandissant. Son esprit ne cessait de revenir aux mots griffonnés à la hâte sur la dernière page du carnet de Justine Caron : *« Pourquoi les patients de l’étage 4 ne guérissent-ils jamais ? »* Ces mots, simples en apparence, avaient ouvert une brèche dans son esprit méthodique.

Elle effleura distraitement le carnet plié dans la poche intérieure de son manteau, comme pour se rassurer de sa présence. Mais la tension sourde dans son ventre ne faiblissait pas. Elle n’était pas venue ici pour chercher des réponses, mais pour tenter d’organiser ses pensées. Pourtant, une sensation désagréable de surveillance flottait dans l’air.

Le tintement de la cloche de la porte du café la tira brusquement de ses réflexions. Un homme venait d’entrer, secouant son manteau détrempé. Mince, athlétique, avec une barbe mal entretenue et une veste en cuir élimée, il balaya rapidement la pièce du regard avant que ses yeux gris-bleus ne se posent sur elle. Sans hésitation, il s’avança.

« Docteur Leblanc, » lança-t-il d’une voix grave, légèrement rauque. Ce n’était pas une question.

Emma posa lentement sa tasse, ses instincts se mettant en alerte. « Et vous êtes ? » demanda-t-elle, son ton froid et méfiant.

L’homme tira une chaise et s’assit en face d’elle, ignorant sa réserve. « Alex Verner. Épidémiologiste. Et si je ne me trompe pas, vous avez récemment mis la main sur des informations… disons… sensibles. »

Les sourcils d’Emma se froncèrent légèrement. « Je ne suis pas sûre de comprendre. »

Il se pencha légèrement vers elle, abaissant le ton de sa voix comme s’il craignait d’être entendu. « Ce que vous avez vu à la clinique Saint-Odile, ce que vous avez trouvé sur ce touriste à la morgue. Ce n’est que le début. »

Emma croisa les bras, jaugeant cet inconnu avec suspicion. « Et qu’est-ce qui vous fait croire que je serais prête à écouter un parfait étranger ? »

Alex sortit un dossier de cuir usé de sous sa veste et le posa sur la table. « Parce que je suis probablement l’un des seuls à comprendre ce que vous affrontez. » Il ouvrit le dossier, révélant une série de documents et de photos.

Les premières images attirèrent immédiatement l’attention d’Emma. Elles montraient des corps présentant des symptômes qu’elle reconnaissait : veines noires, organes marbrés, membrane translucide. Mais les contextes semblaient variés – hôpitaux désolés, villages isolés, laboratoires.

« Ces décès ne sont pas des cas isolés, » expliqua Alex. « Ils s’inscrivent dans un schéma plus vaste. Toujours les mêmes marqueurs biologiques, toujours les mêmes résultats fatals. » Il pointa une page annotée, où un graphique complexe représentait une corrélation entre plusieurs incidents.

Emma lut rapidement les annotations, son esprit analytique déjà au travail. Mais elle garda un ton sceptique. « Quels marqueurs spécifiques ? »

Alex hésita une fraction de seconde avant de répondre. « Des mutations génétiques rares. Un génome particulier qui semble… ciblé. »

Elle releva les yeux vers lui, ses sourcils se fronçant davantage. « Vous réalisez à quel point cela sonne absurde ? »

Il la fixa, ses yeux brûlant d’une intensité qui la déstabilisa. « Je sais que ça dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Mais si vous êtes ici, c’est que vous savez déjà que quelque chose cloche. Vous êtes la seule dans votre domaine à pouvoir relier ces points. »

Emma sentit son esprit vaciller entre le scepticisme et une étrange curiosité. Elle ouvrit à nouveau le dossier, mais ses mains s’arrêtèrent sur une note manuscrite, griffonnée en marge d’un document officiel : *« Cible identifiée – extraction des échantillons prioritaire. »* Son cœur manqua un battement.

« Pourquoi moi ? » murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour lui.

Alex appuya ses coudes sur la table, sa voix se chargeant d’une gravité palpable. « Parce que vous avez accès à des informations qu’ils essaient de cacher. Et parce que, contrairement à beaucoup d’autres, vous n’avez pas encore fui. »

Un silence pesant s’installa. Emma sentit son pouls s’accélérer, mais elle força son visage à rester neutre. « Qui sont ‘ils’ ? »

Il soupira, se frottant la barbe d’un geste nerveux. « Des gens qui n’aiment pas qu’on fouille dans leurs affaires. Des gens qui surveillent. »

Un frisson glacé parcourut son échine. Elle posa doucement les documents, croisant de nouveau les bras. « Et vous, exactement, qui êtes-vous ? »

« J’étais chercheur, » répondit-il après une brève pause. « J’ai travaillé sur des projets de biotechnologie, des recherches… expérimentales. Jusqu’à ce que je comprenne à quoi elles servaient réellement. »

Emma déglutit, tentant de cacher le trouble que ses paroles éveillaient en elle. « Et maintenant, vous jouez les lanceurs d’alerte ? »

Un sourire triste étira les lèvres d’Alex. « Appelez ça comme vous voulez. Ce que je sais, c’est que si on ne fait rien, des centaines de vies seront brisées. Et vous serez probablement la prochaine. »

Un murmure de pluie contre la vitre accompagna ces mots. Emma sentit un poids s’installer dans sa poitrine. « La prochaine cible ? »

Il hocha la tête, sa voix plus basse encore. « Vos prélèvements à la morgue. Vos recherches sur Justine Caron. Tout ça a laissé une trace. Et eux, ils n’attendent pas. »

Elle le fixa, cherchant une faille dans son discours, mais il n’y avait que cette intensité troublante, ce mélange de détermination et de désespoir.

« Et que proposez-vous ? » demanda-t-elle finalement, sa voix plus dure qu’elle ne l’avait prévu.

Alex lui tendit une nouvelle note griffonnée dans un coin de papier froissé. « Que nous collaborions. Vous avez des compétences que je n’ai pas. Et j’ai des informations que vous n’avez pas. »

Emma hésita, ses doigts tremblant légèrement en prenant la note. L’adresse inscrite était dans une zone reculée qu’elle connaissait à peine.

« Je vais y réfléchir, » répondit-elle, plus pour gagner du temps que par réelle intention.

Alex acquiesça, se levant sans un mot de plus. Mais avant de partir, il la fixa une dernière fois. « Faites vite. Parce qu’eux, ils ne vous laisseront pas ce luxe. »

Il s’éloigna, laissant derrière lui une odeur de cuir et de pluie. Emma resta assise un moment, fixant l’adresse sur le morceau de papier, tandis qu’une tension sourde pulsait dans ses tempes.

Dehors, à quelques rues, Alex s’abritait sous un porche, ses yeux suivant Emma alors qu’elle quittait le café. Une partie de lui doutait qu’elle le rejoigne. Mais une autre, plus intuitive, savait qu’elle n’avait pas le choix.

Il inspira profondément, ses pensées hantées par le poids des erreurs passées. Cette fois, il se l’était juré : la vérité devait éclater. Qu’importe le prix.

Il observa la silhouette d’Emma disparaître dans la pluie, avant de s’enfoncer lui-même dans l’obscurité.