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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 1Le médaillon oublié


Louise

Le grincement métallique de l’enseigne en fer forgé se mêlait à la fine bruine qui tombait sur Paris, enveloppant la rue d’une mélancolie familière. Louise Belmont referma son parapluie d’un geste mécanique, le secoua légèrement avant de pousser la porte de la boutique d’antiquités nichée près de l’Arc de Triomphe. Une clochette tinta légèrement au-dessus de sa tête, brisant le calme ambiant.

L’intérieur, sombre et poussiéreux, dégageait une odeur de bois ancien et de papier jauni, un parfum qui évoquait à Louise des souvenirs d’enfance passés dans la bibliothèque de son grand-père. Elle esquissa un sourire imperceptible. Ce genre de lieu, où les objets semblaient figés dans un temps immémorial, représentait pour elle une échappatoire, un refuge où l’agitation du présent se dissipait.

Les étagères s’élevaient jusqu’au plafond, surchargées de livres reliés en cuir, de bibelots et d’objets énigmatiques dont les origines demeuraient aussi mystérieuses que les histoires qu’ils pourraient raconter. Louise passa ses doigts délicatement sur une rangée de statuettes en bronze, appréciant la texture rugueuse et usée par le temps.

« Puis-je vous aider, mademoiselle ? »

La voix, douce mais légèrement rauque, la tira de sa rêverie. Elle leva les yeux pour croiser le regard curieux du propriétaire, un vieil homme vêtu d’un gilet de laine élimé qui paraissait aussi ancien que la boutique elle-même.

« Oh, non, merci. Je cherche juste… quelque chose d’intéressant, je suppose. »

Le vieil homme esquissa un sourire énigmatique. « Ici, chaque objet a une histoire, vous savez. C’est une question de savoir écouter. »

Louise hocha la tête sans répondre, touchée par cette remarque, et continua son exploration. Elle aimait ce silence ponctué uniquement par le bruissement des pages que le propriétaire tournait, assis derrière son comptoir.

Au fond de la boutique, une petite vitrine en verre attira son attention. Sous la lumière tamisée, des médailles, montres et bijoux d’époque reposaient soigneusement sur un velours usé. C’est alors qu’elle le vit.

Un médaillon en argent terni, posé légèrement de travers, semblait presque l’interpeller. Elle s’approcha, hypnotisée, et se pencha pour mieux observer le motif gravé sur sa surface. À première vue, les gravures paraissaient érodées par le temps, mais sous un certain angle, des lettres et symboles cryptiques formaient un cercle parfait. Louise sentit un frisson lui parcourir la nuque.

« Celui-ci a attiré votre attention, on dirait, » fit doucement le propriétaire, se tenant soudain à ses côtés.

Elle sursauta légèrement mais sourit pour masquer sa gêne.

« Oui… Il est fascinant. Quelle est son histoire ? »

Le vieil homme plissa les yeux, pensif. « Ce médaillon est arrivé ici il y a quelques années, lors d’une vente aux enchères. L’ancien propriétaire était avare de détails, mais il a mentionné qu’il appartenait à une certaine Isabelle Chavanne, une couturière sous l’Empire napoléonien. »

Louise répéta le nom à voix basse, comme pour le tester sur sa langue. « Isabelle Chavanne… »

Le vieil homme continua, un éclat mystérieux dans le regard : « Elle aurait été impliquée dans certaines affaires discrètes, si j’en crois les murmures. Mais bon, les vieilles légendes aiment se mêler à l’histoire. Vous savez comment c’est. »

Louise fronça légèrement les sourcils, intriguée par ses propos. « Et ces inscriptions ? Vous savez ce qu’elles signifient ? »

Il secoua la tête. « Non. Mais elles intriguent. Vous seriez étonnée du nombre de personnes qui ont posé des questions sur ce médaillon. Historiens… amateurs… quelques-uns semblaient même très insistants. »

« Insistants ? » répéta-t-elle, sa curiosité désormais piquée au vif.

Le propriétaire évita son regard un instant avant de répondre d’un ton léger : « Rien de bien inquiétant, simplement des collectionneurs passionnés, je suppose. Mais vous savez, certains objets attirent plus d’attention qu’ils n’en devraient. »

Louise observa à nouveau le médaillon, hésitant entre fascination et prudence.

« Est-il à vendre ? » demanda-t-elle finalement, bien qu’elle connaisse déjà la réponse.

« Bien sûr, » répondit le vieil homme, un sourire mince sur les lèvres. « Mais il n’est pas donné. »

Elle mordilla sa lèvre inférieure, pesant rapidement le pour et le contre. Elle n’avait pas prévu de dépenser beaucoup aujourd’hui, mais quelque chose au fond d’elle refusait de quitter ce lieu sans le médaillon.

« Je le prends, » déclara-t-elle enfin, avec une détermination surprenante même pour elle.

Le propriétaire la fixa un instant, comme pour évaluer sa sincérité, puis hocha la tête, satisfait. Il déverrouilla lentement la vitrine et déposa le médaillon dans ses mains.

Le métal froid semblait vibrer légèrement au creux de sa paume, comme s’il portait en lui un écho lointain. Louise sentit une étrange excitation mêlée de nervosité l’envahir.

De retour dans son appartement, elle posa le médaillon sur sa table de travail, éclairée par la lumière chaude d’une lampe d’architecte. L’atmosphère feutrée de la pièce contrastait avec la pluie fine qui martelait doucement ses fenêtres. Louise s’assit, laissant ses yeux dériver sur l’objet qui occupait désormais toutes ses pensées.

Elle ouvrit un carnet de croquis et entreprit de reproduire minutieusement les inscriptions gravées sur le médaillon. Les symboles, bien que cryptiques, lui évoquaient quelque chose, un langage codé aperçu lors de ses études. Elle fronça les sourcils, son esprit oscillant entre frustration et excitation.

Puis, saisissant son ordinateur portable, elle commença des recherches sur Isabelle Chavanne. Des fragments d’informations émergèrent rapidement : une couturière talentueuse, active sous l’Empire napoléonien, ayant côtoyé des cercles influents. Mais un détail capta son attention : Isabelle aurait été liée, indirectement, à un complot politique.

Louise sentit son cœur s’accélérer. Ce médaillon n’était peut-être pas un simple bijou d’époque. Il était peut-être une pièce d’histoire oubliée, portant en lui un secret enfoui depuis des siècles.

Un léger grincement la fit sursauter. Elle tourna la tête vers la fenêtre. En bas, baignée dans la lumière jaune des réverbères, une silhouette immobile se tenait entre deux lampadaires. Bien qu’indistincte, elle semblait fixer son immeuble.

Louise sentit une tension sourde monter en elle. Elle détourna rapidement le regard, tira les rideaux et s’efforça de rationaliser. Ce n’était qu’un passant… ou une coïncidence. Rien de plus. Pourtant, une part d’elle ne pouvait ignorer une sensation troublante, comme si on l’observait.

Elle se rassit à sa table, mais son esprit restait agité. Ses doigts effleurèrent à nouveau le médaillon.

« Isabelle Chavanne… Qui étais-tu ? » murmura-t-elle dans le silence de son appartement.

Elle n’avait pas encore les réponses, mais une chose était certaine : elle venait d’ouvrir une porte vers un mystère qui allait bouleverser sa vie. Et elle ne pouvait plus revenir en arrière.