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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 1Le Journal des Secrets


Adèle de Monsoreau

Les rayons de la bibliothèque familiale scintillaient sous la lumière vacillante d’un chandelier fraîchement allumé. Adèle de Monsoreau se tenait droite, ses doigts glissant délicatement sur les couvertures de cuir des ouvrages anciens. L’odeur du cuir vieilli et de l’encre séchée imprégnait l’air, évoquant des siècles d’histoires et de secrets accumulés au sein de ces murs. La bibliothèque était plus qu’un sanctuaire pour elle : c’était un refuge, un lieu où les attentes écrasantes qui pesaient sur elle semblaient s’effacer.

Pourtant, ce soir-là, ce refuge semblait différent. Les mots de la lettre de son grand-père, retrouvée en désordre parmi ses affaires, n’arrêtaient pas de résonner dans son esprit : *“Le Cœur de Feu est la clé. Trouve la bibliothèque.”*

Adèle s’arrêta face à une étagère massive, ornée de détails entaillés dans le bois sombre. Cette étagère, qu’elle avait toujours vue comme un élément immuable de la pièce, semblait soudain chargée d’un mystère qu’elle n’avait jamais perçu auparavant. Une fine ligne verticale, presque imperceptible, traversait le bois à hauteur de ses yeux.

Son cœur accéléra. Elle hésita, sa main suspendue devant la rainure. Et si elle révélait quelque chose qu’elle n’était pas prête à affronter ? Et si ce qu’elle découvrait changeait à jamais la perception qu’elle avait de son grand-père, cet homme qu’elle avait tant admiré depuis l’enfance ?

Chassant ses doutes, elle laissa ses doigts suivre la rainure avec la précision d’une universitaire méthodique. Elle effleura une sculpture légèrement décalée en bas à gauche et sentit un clic subtil. Un souffle d’adrénaline parcourut son échine.

Avec un bruit sourd, le mur pivota lentement, révélant un passage obscur derrière l’étagère. Adèle resta figée, le cœur battant à tout rompre. Elle alluma précipitamment une bougie posée sur une table voisine, ses mains légèrement tremblantes, et s’avança dans l’ouverture.

La pièce qui s’ouvrit devant elle était plus qu’une découverte : c’était une relique vivante, un fragment de mémoire familiale émergeant des ténèbres. La lumière de la bougie dansait sur les murs ornés de vitraux poussiéreux, projetant des ombres mouvantes sur des étagères chargées de livres anciens. L’air y était saturé d’une odeur plus vive de cuir et d’encre, presque écrasante.

Au centre, un bureau massif en acajou trônait, une pièce maîtresse qui semblait défier le temps. Des cartes jaunies, des notes manuscrites et des instruments d’écriture usés s’étalaient dessus avec un chaos ordonné. Adèle eut l’impression de pénétrer dans un sanctuaire, un espace sacré où son grand-père avait autrefois poursuivi ses recherches obsessionnelles.

Elle posa la bougie sur le bureau et entreprit d’examiner les documents. Parmi eux, un journal relié de cuir attira son attention. Les bords étaient effilochés par le temps, mais les lettres élégantes gravées sur la couverture étaient encore lisibles : “Jean de Monsoreau.”

Une vague d’émotion la submergea. Elle se souvenait des après-midis passés avec son grand-père dans cette même bibliothèque, lui posant mille questions sur ses recherches. Elle ouvrit le journal, et l’écriture familière, bien que hâtive, lui parut presque vivante.

Les premières entrées étaient anodines : des réflexions sur des voyages, des descriptions de sites archéologiques. Mais au fil des pages, le ton changeait. Des mentions du “Cœur de Feu” revenaient avec insistance, accompagnées de dessins complexes représentant des symboles mystérieux. Un croquis, en particulier, retint son attention : une flamme stylisée entourée de cercles entrelacés. En dessous, une légende en latin : *“Ad lucem per ignem”* — “Vers la lumière par le feu.”

Adèle plissa les yeux, captivée. Les pages suivantes décrivaient des explorations dans des lieux reculés, des monastères abandonnés et des tunnels oubliés. Les descriptions de “rituels anciens” et de “fraternités secrètes” qui protégeaient une relique au pouvoir incompréhensible lui donnèrent la chair de poule.

Puis elle tomba sur une phrase qui l’immobilisa : *“La Confrérie des Fils de la Flamme est plus proche que nous ne l’imaginons. Leur influence s’étend jusque dans notre propre foyer.”*

Elle ferma le journal d’un geste brusque, sa respiration saccadée. La Confrérie était réelle ? Ces murmures qu’elle avait toujours considérés comme des histoires apocryphes prenaient une tournure bien plus tangible. Une question plus troublante s’insinua dans son esprit : son grand-père avait-il été impliqué dans leurs activités ?

Un bruit soudain rompit le silence oppressant. Un frisson glacé lui parcourut l’échine. Elle éteignit instinctivement la bougie, plongeant la pièce dans une obscurité partielle. Adèle tendit l’oreille. Des pas résonnaient faiblement sur le parquet de la bibliothèque principale.

Elle s’approcha lentement de l’ouverture, le journal serré contre elle. Une silhouette masculine, grande et athlétique, fouillait méthodiquement parmi les étagères. L’homme semblait chercher quelque chose de précis, et son assurance trahissait une certaine familiarité avec les lieux.

Un mélange d’indignation et de peur s’empara d’elle. Était-ce un voleur, ou pire encore, un agent de cette fameuse Confrérie ? Elle recula dans la pièce secrète, son esprit cherchant frénétiquement une solution.

Ses mains tombèrent sur un chandelier en fer forgé. Elle le saisit, son poids inconfortable renforçant la tension de la situation. Elle se rapprocha de l’ouverture, son souffle court, ses paumes moites, chaque fibre de son être tendue à l’extrême.

Les secondes s’étirèrent alors qu’elle évaluait ses options. Cette bibliothèque, ce sanctuaire, abritait les secrets de son grand-père. Elle ne laisserait pas un intrus souiller ce lieu ou dérober ce qui appartenait à son héritage.

Elle raffermit sa prise sur le chandelier, retenant son souffle. Les ombres dansaient encore sur les murs, et l’intrus continuait à fouiller, inconscient du danger qui se préparait dans l’obscurité.