Chapitre 2 — Rencontre Inattendue
Alternance entre Adèle de Monsoreau et Gabriel Loren
Adèle fixa l’homme qui fouillait sa bibliothèque avec une précision méthodique, son esprit en ébullition d’une colère mêlée de crainte. Malgré son souffle silencieux et maîtrisé, son cœur battait à tout rompre. Ses doigts se crispèrent autour du chandelier, tandis qu’elle analysait rapidement la situation. Il ignorait sa présence, et elle savait que l’élément de surprise jouait en sa faveur. Elle inspira profondément, réfléchissant brièvement à son approche.
Ce n’était pas dans sa nature de rester spectatrice face au danger. S’avançant à pas feutrés hors du passage secret, elle s’arrêta à une distance suffisante pour garder l’avantage. Brandissant le chandelier, elle lança d’une voix ferme, teintée d’une autorité héritée de son éducation :
— Arrêtez immédiatement, ou je vous garantis que vous le regretterez.
L’homme se retourna vivement, ses mouvements fluides et calculés trahissant une aptitude au combat. Ses yeux bleu acier rencontrèrent les siens, et un sourire en coin, à la fois amusé et méprisant, se dessina sur son visage.
— Une menace ? Voilà une entrée en matière intrigante, répondit-il, levant légèrement les mains en signe de neutralité tout en étudiant Adèle du regard.
Elle raffermit sa prise sur son arme improvisée.
— Qui êtes-vous, et que faites-vous ici ?
Son ton était glacial, chaque mot soigneusement choisi pour masquer la nervosité qui la gagnait. L’homme, toujours sur ses gardes malgré ses gestes décontractés, inclina légèrement la tête.
— Gabriel Loren, dit-il finalement, sa voix rauque et légèrement éraillée trahissant l’habitude d’ordres donnés ou peut-être de nuits blanches. Et vous devez être Adèle de Monsoreau.
L’utilisation de son nom la fit tressaillir imperceptiblement, mais elle ne relâcha pas sa vigilance.
— Vous n’avez toujours pas répondu à ma question, répliqua-t-elle, les sourcils légèrement froncés.
Gabriel haussa un sourcil, visiblement intrigué par son aplomb.
— Je cherche quelque chose, répondit-il d’un ton pragmatique. Quelque chose qui, entre de mauvaises mains, pourrait causer bien plus de dégâts que vous n’imaginez.
Il laissa tomber cette déclaration comme une vérité irréfutable, mais Adèle n’était pas du genre à se laisser impressionner.
— Et vous croyez que ma famille pourrait être liée à ce danger ? riposta-t-elle, sa voix teintée d’une indignation contrôlée.
Gabriel croisa les bras, abaissant légèrement ses mains mais restant prêt à réagir.
— Je pensais que cet endroit était soit abandonné, soit déjà infiltré. Et vous, mademoiselle de Monsoreau, où vous situez-vous dans cette équation ?
Adèle sentit une chaleur familière monter en elle, un mélange d’agacement et de défi.
— Vous ne savez rien de moi, dit-elle sèchement.
— Peut-être, admit-il, mais je peux déjà dire que vous n’êtes pas aussi ignorante que vous le prétendez.
Adèle ouvrit la bouche pour répondre, mais un bruit lointain, presque imperceptible, interrompit leur échange. Ses yeux se posèrent instinctivement sur la fenêtre, et elle remarqua une ombre furtive se déplacer rapidement à l’extérieur.
Gabriel pivota légèrement, ses instincts aiguisés en alerte.
— Ils sont là, murmura-t-il, plus pour lui-même que pour elle.
Adèle tourna un regard accusateur vers lui.
— Vous les avez amenés ici ?
Gabriel lui lança un regard froid mais non dénué de reproche.
— Si c’était le cas, croyez-moi, je ne serais pas resté assez longtemps pour m’en expliquer avec vous.
Il s’approcha de l’une des étagères et tira un livre massif qu’il calait déjà sous son bras.
— Je doute que vous soyez prête à abandonner cette maison et ses secrets, mais si vous voulez survivre, nous devons partir. Maintenant.
Adèle le fusilla du regard, toujours sur ses gardes.
— Pourquoi ferais-je confiance à un intrus qui prétend me sauver ?
Gabriel la regarda droit dans les yeux.
— Parce que les gens qui approchent ne vous donneront pas l’occasion de poser cette question.
Le pragmatisme froid de sa réponse, combiné à la réalité oppressante du danger, la fit vaciller un instant. Elle serra contre elle le journal de son grand-père, un rappel tangible de ce qu’elle devait protéger.
— Par ici, dit-elle brusquement, se dirigeant vers le passage secret.
Gabriel la suivit sans hésiter, ses pas aussi silencieux que ceux d’un fauve. Une fois à l’intérieur, elle activa le mécanisme pour refermer la porte. Le mur se referma lentement, les enveloppant dans une obscurité où seule la lumière tamisée et vacillante d’une lampe de poche brisée jetait des ombres mouvantes.
— Et maintenant ? demanda-t-il à voix basse.
— Nous devons atteindre la cave, répondit-elle, sa voix ferme malgré l’urgence. Je connais un passage qui mène aux jardins.
Elle le guida à travers le dédale du passage secret, ses doigts effleurant instinctivement les murs gravés de symboles qu’elle ne prenait jamais le temps de déchiffrer. Gabriel, intrigué, se retint de poser des questions, concentré sur les bruits de plus en plus proches venant de la maison.
Lorsqu’ils débouchèrent dans une cave humide, Gabriel s’arrêta un instant pour écouter.
— Ils fouillent déjà les étages, murmura-t-il. Ça ne tardera pas à empirer.
Adèle, tentant de contrôler son souffle, s’accroupit près d’un tonneau poussiéreux et ouvrit une trappe dissimulée.
— Ce tunnel mène directement à l’arrière, expliqua-t-elle.
Gabriel lui jeta un regard approbateur.
— Vous êtes mieux préparée que je ne le pensais.
Ils s’engouffrèrent dans le passage étroit, avançant rapidement malgré les racines pendantes et l’air étouffant. Les échos de leurs poursuivants s’estompaient peu à peu, mais l’adrénaline maintenait leur vigilance en alerte maximale.
Lorsqu’ils atteignirent enfin l’air libre, Adèle s’arrêta pour reprendre son souffle. Elle posa un regard défiant sur Gabriel.
— Maintenant, vous allez tout m’expliquer.
Gabriel sourit légèrement, un mélange de fatigue et d’admiration dans ses yeux.
— Vous avez du cran, je vous le reconnais, dit-il. Mais je crains que nous n’ayons pas encore le luxe de discuter.
Il désigna la route déserte.
— Si vous voulez des réponses, il faudra continuer à avancer.
Adèle hésita, mais l’urgence de la situation l’emporta. Serrant le journal contre elle, elle emboîta le pas à Gabriel. Chaque pas qu’ils faisaient semblait les éloigner davantage de la sécurité, mais elle savait qu’elle n’avait pas le choix.
Le mystère s’épaississait, et si les réponses se trouvaient quelque part, elles seraient probablement aussi dangereuses que les questions elles-mêmes.