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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 3Les Profondeurs de Paris


Adèle de Monsoreau

Adèle avançait à pas rapides dans les ruelles sombres de Paris, le journal de son grand-père fermement pressé contre sa poitrine, comme une ancre dans la tempête de confusion et de danger qui l'entourait. Gabriel marchait quelques pas derrière elle, silencieux, ses yeux bleu acier captant chaque ombre se mouvant autour d'eux. L'air de la nuit était lourd, et l'écho lointain de pas sur les pavés ne faisait qu'ajouter à la tension.

— Où allons-nous ? lança Adèle d’un ton sec, son souffle marqué par l’urgence.

Gabriel répondit sans cesser de scruter les environs, sa voix rauque brisant le silence oppressant.

— Dans un endroit où ils auront du mal à nous suivre : les catacombes.

Adèle s’arrêta net, le fixant avec incrédulité.

— Les catacombes ? Vous êtes sérieux ? Ces tunnels sont un labyrinthe. Nous y perdrons autant de temps qu’eux, sinon plus.

Gabriel haussa légèrement les épaules, un geste nonchalant qui lui donna envie de l’interrompre d’une réplique cinglante.

— C’est justement pour cela qu’elles sont idéales. Ceux qui nous poursuivent hésiteront à s’y aventurer, et si nous y entrons rapidement, nous aurons une longueur d’avance.

Adèle pinça les lèvres, son esprit cherchant désespérément une autre option. Mais tout ce qu’elle savait, tout ce qu’elle croyait maîtriser, semblait s’effondrer autour d’elle. Elle était en danger, sa maison n’était plus sûre, et les secrets de sa famille s’effilochaient comme un tissu trop vieux. Elle n’avait pas le choix.

— Très bien, dit-elle finalement, résignée. Mais si vous vous perdez là-dedans, je ne vous le pardonnerai jamais.

Gabriel esquissa un sourire en coin, un sourire qu’elle trouva à la fois irritant et étrangement réconfortant. Sans un mot de plus, il reprit la marche, l’entraînant à travers des rues de plus en plus étroites jusqu’à une arrière-cour plongée dans l’ombre. Là, dissimulée derrière une grille rouillée, se trouvait une ouverture étroite que seul un œil aguerri pouvait détecter.

Gabriel s’accroupit devant la grille et sortit un outil de son sac. En quelques mouvements habiles, il crocheta le cadenas avec une expertise qui fit naître une nouvelle vague de méfiance en Adèle. Était-il habitué à ce type d’effraction ? Mais elle refoula ses questions. Le temps pressait.

— Après vous, mademoiselle de Monsoreau, dit-il d’un ton teinté d’ironie.

— Épargnez-moi vos manières, répliqua-t-elle sèchement avant de franchir la grille et de descendre les premières marches.

L’air changea immédiatement. Plus froid, plus lourd. Une odeur de pierre humide et de terre envahit ses narines. Tandis qu’ils s’enfonçaient, les graffitis modernes sur les murs laissèrent place à la pierre nue, puis aux sinistres alignements d’ossements. Adèle sentit son souffle se raccourcir, non par fatigue, mais sous l’effet d’une claustrophobie naissante qu’elle s’efforça de maîtriser.

— Vous semblez curieusement à l’aise ici, murmura-t-elle, sa voix résonnant faiblement dans les ténèbres.

Gabriel, devant elle, éclairait le chemin avec une lampe torche, sa silhouette projetant des ombres dansantes sur les murs.

— Disons que j’ai appris à apprécier les lieux où personne n’a envie de s’aventurer, répondit-il avec une simplicité déconcertante.

Adèle préféra ne pas insister. Elle n’avait pas encore décidé si elle pouvait lui faire confiance. Pourtant, elle ne pouvait nier son efficacité jusqu’ici.

Alors qu’ils s’enfonçaient, les murmures de la peur firent lentement place à l’excitation intellectuelle. Des symboles gravés sur les murs attiraient son attention, des motifs qui éveillaient des échos familiers dans sa mémoire.

— Attendez, dit-elle soudain, s’arrêtant devant une alcôve ornée de gravures complexes.

Gabriel se retourna, la lumière vacillant sur son visage interrogateur.

— Quoi ?

Adèle laissa courir ses doigts sur les gravures, effleurant les lignes incisées dans la pierre.

— Ces symboles… Je les ai vus dans le journal, murmura-t-elle. Ils sont liés à la Confrérie. Regardez celui-ci, dit-elle, désignant une flamme stylisée entourée de cercles entrelacés.

Gabriel s’approcha pour examiner les gravures, son expression devenant plus concentrée.

— Et qu’est-ce que votre journal dit à ce sujet ? demanda-t-il.

Adèle ouvrit le journal d’une main tremblante, cherchant les pages en question. Ses yeux parcoururent rapidement les lignes écrites de la main de son grand-père.

— Ce sont des marques de guidage, répondit-elle lentement. Elles indiquent un chemin… vers une salle cachée, peut-être. Mon grand-père mentionne une cachette où la Confrérie aurait dissimulé quelque chose d’important.

Gabriel, à ses côtés, semblait peser ses mots.

— Cela pourrait nous mener au Cœur de Feu, dit-il, l’ombre d’une excitation dans son ton.

Adèle leva les yeux, surprise par sa réaction. Mais elle réprima son enthousiasme.

— Ou cela pourrait être un piège, rétorqua-t-elle. La Confrérie n’a jamais laissé ses secrets sans protection.

Gabriel hocha la tête et lui tendit la main pour l’aider à se relever.

— Raison de plus pour continuer. Mieux vaut que nous découvrions ce piège avant eux.

Ils suivirent les gravures pendant encore plusieurs minutes, leurs pas résonnant faiblement dans le silence oppressant. Les tunnels devinrent de plus en plus étroits, l’atmosphère presque suffocante. Finalement, ils atteignirent une vieille porte en bois, couverte de mousse et à moitié dissimulée par des pierres effondrées.

— Vous avez de quoi l’ouvrir ? demanda Adèle en observant Gabriel avec méfiance.

— Toujours, répondit-il, sortant un outil de son sac.

Alors qu’il travaillait sur la serrure, Adèle sentit une tension croissante dans l’air. Son regard était attiré par l’obscurité derrière eux, chaque recoin devenant une source potentielle de menace. Un battement lointain, presque imperceptible, semblait vibrer dans ses oreilles.

La serrure céda enfin, et Gabriel poussa la porte avec précaution. L’espace qui s’ouvrit devant eux était une petite salle voûtée, ses murs ornés de fresques délabrées mélangeant scènes bibliques et motifs ésotériques. Au centre, un piédestal en pierre soutenait un objet enveloppé dans un tissu usé.

Gabriel s’avança, mais Adèle posa une main ferme sur son bras.

— Attendez. Si c’est ce que je pense, il pourrait y avoir des pièges.

Elle s’avança lentement, analysant chaque détail de la pièce. Ses yeux tombèrent sur une inscription gravée sur le piédestal.

— “Ad lucem per ignem,” lut-elle à voix basse. Vers la lumière par le feu… C’est la devise de la Confrérie.

Avec précaution, elle souleva le tissu, révélant une carte ancienne, ses bords effilochés. Ses yeux s’écarquillèrent alors qu’elle comprenait ce qu’elle voyait.

— Une piste, souffla-t-elle. Une carte menant à Lyon.

— Le Marché Noir, murmura Gabriel à côté d’elle. C’est là qu’ils échangent des reliques et des informations. Si cette carte est fiable, c’est notre prochaine destination.

Avant qu’ils ne puissent discuter davantage, un bruit sourd retentit dans le tunnel. Puis des pas précipités se rapprochèrent rapidement.

— Ils sont là, dit Gabriel, les mâchoires serrées.

Adèle rangea la carte dans son sac, et ils échangèrent un regard entendu.

— Courez, murmura Gabriel avec une urgence contenue.

Adèle ne perdit pas une seconde. Elle s’élança dans le tunnel, Gabriel sur ses talons. Les catacombes semblaient se refermer autour d’eux, chaque tournant un piège, chaque ombre une menace. Alors qu’ils fuyaient, le poids du journal dans son sac lui rappelait que les réponses étaient à portée de main, mais baignées dans une obscurité qui semblait vouloir les consumer.