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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 3La Maison du Silence


Clara Morel

Clara se tenait devant le portail de la maison de Vincent Leroy, une bâtisse solitaire à la lisière de la forêt. Le vent froid sifflait en traversant les branches nues des arbres, produisant un murmure constant qui semblait provenir des profondeurs même de la nature environnante. Le chalet en bois sombre, avec ses volets clos et sa porte légèrement bancale, dégageait une aura intimidante. C’était un lieu où le temps semblait s’être figé, transportant avec lui une part d’angoisse et de mystère.

Elle poussa la grille rouillée qui céda dans un grincement aigu, tranchant le silence environnant. Le sentier menant à la maison était envahi par des herbes folles et tapissé de feuilles mortes trempées par la pluie récente. Clara observa de près des empreintes dans la boue, certaines presque effacées, d'autres plus nettes, comme si elles avaient été laissées récemment. Une tension s’installa dans ses épaules, et un doute s’insinua dans son esprit : était-elle seule ici ? Mais elle refusa de céder à la paranoïa.

Sortant un crochet de sa poche, Clara entreprit de forcer la serrure du chalet. La clé n’avait pas été retrouvée sur Vincent Leroy, et elle n’avait pas le temps de discuter avec les autorités locales pour en obtenir une copie. Sa main, experte, opéra avec précision, et en moins d’une minute, un déclic sourd retentit. Elle poussa lentement la porte, qui émit un craquement prolongé, comme si la maison elle-même protestait contre l’intrusion.

L’intérieur était sombre, et une odeur de renfermé et de papier moisi flottait dans l’air. Clara alluma la lampe de poche qu’elle avait emportée et balaya la pièce principale. La lumière révéla un chaos organisé : des piles de livres et de carnets jonchaient le sol et les meubles, mêlées à des tasses de café abandonnées et des traces de cire séchée provenant de bougies éparpillées. Sur un mur, des croquis griffonnés de manière frénétique représentaient le lac noir sous différents angles. Certains dessins étaient précis, presque réalistes, comme une tentative méticuleuse de capturer l’énigme du lac. D'autres, en revanche, semblaient purement abstraits : des spirales désordonnées, des formes indistinctes. Un dessin en particulier attira son attention : il montrait une silhouette humaine indistincte, debout au bord de l’eau, entourée d’ombres qui semblaient la happer.

Clara s’approcha d’une table encombrée où trônaient des carnets ouverts, leurs pages couvertes d’une écriture désordonnée. Elle lut quelques phrases, des fragments de pensées qui la laissèrent perplexe.

*« Le lac réclame ses secrets, mais à quel prix ? »*

*« Les ombres ne mentent pas. »*

*« Jules m’a dit que ce symbole était une porte, mais à quelle destination ? »*

Son souffle se coupa. Le nom de Jules, inscrit noir sur blanc, lui vrilla l’esprit. La confirmation que son frère avait été mêlé à cette affaire la frappa avec une force dévastatrice, ravivant une culpabilité qu’elle tentait de refouler depuis des mois. *Pourquoi ne l’ai-je pas écouté ? Pourquoi l’ai-je laissé partir ?* Elle sentit une montée de colère et de désespoir, mais elle serra la mâchoire pour rester concentrée. Les réponses étaient ici, quelque part. Elle devait les trouver.

Feuilletant un carnet, elle repéra plusieurs pages arrachées, comme si quelqu’un avait voulu effacer certaines informations. Une autre mention capta son attention : *« Raphaël sait quelque chose. Il a vu. Il comprend. Mais il ne dit pas tout. »* Ce nom, mentionné dans le dossier, revenait à nouveau. Raphaël Delacroix, un médium local, semblait être une pièce essentielle du puzzle.

Un bruit sourd la fit sursauter : une vibration étouffée venant de l’étage. Pendant un instant, son instinct lui cria de fuir, mais elle se força à rester immobile. Sa respiration s’accéléra, sa main tremblant légèrement autour de la lampe de poche. Elle écouta attentivement, mais tout était redevenu silencieux, à l’exception du murmure du vent à travers les fissures de la maison. Serrant les poings pour maîtriser ses nerfs, elle se dirigea prudemment vers l’escalier. Chaque marche grinça sous son poids alors qu’elle montait lentement.

L’étage était encore plus sombre que le rez-de-chaussée. Les rideaux épais empêchaient la lumière naturelle d’entrer, et la lampe de poche de Clara semblait à peine suffire pour percer l’obscurité. Elle ouvrit une porte au hasard et trouva une chambre simple mais désordonnée. Le lit était encore défait, des vêtements éparpillés, et sur une table de chevet, un livre ouvert avec une phrase surlignée plusieurs fois : *« Le lac murmure ce qu’il est interdit d’entendre. »*

Un frisson parcourut son échine. Elle referma le livre, son regard s’arrêtant sur les traces de pas dans la poussière, menant vers une autre pièce. Une sorte de bureau. Sur le sol, des objets renversés témoignaient d’une fouille récente.

Un grattement léger retentit soudain, comme si une ombre s’était déplacée derrière elle. Clara se retourna vivement, sa lampe de poche balayant la pièce. Rien. Pourtant, la sensation d’être observée était presque tangible. Elle n’était pas seule dans cette maison, elle en était convaincue.

Dans le bureau, elle remarqua une planche du plancher légèrement décalée. Son instinct d’enquêtrice la poussa à examiner le sol méthodiquement. Après quelques secondes, elle souleva la planche, révélant un compartiment secret. À l’intérieur se trouvait un petit paquet enveloppé dans du tissu. Elle l’ouvrit et découvrit un pendentif familier : une chaîne en argent ornée d’un cristal bleu, celui que Jules portait toujours. Son cœur se serra violemment. Des souvenirs affluèrent – Jules riant à ses blagues enfantines, Jules lui offrant ce pendentif comme un symbole de leur lien indéfectible. Elle dut se concentrer pour ne pas laisser ses émotions l’envahir.

Un bruit sourd retentit en bas, suivi du claquement distinct d’une porte. Clara bondit sur ses pieds, ses sens en alerte. Elle se précipita vers la fenêtre de la pièce et regarda en contrebas. Une silhouette sombre se déplaçait rapidement vers la forêt, disparaissant bientôt entre les arbres. Un intrus. Quelqu’un l’avait surveillée, peut-être même fouillé cette maison avant elle.

Elle hésita, tiraillée entre poursuivre l’intrus ou approfondir ses découvertes dans la maison. Mais l’instinct lui dictait que celui ou celle qui venait de fuir détenait des réponses. En hâte, elle fourra le pendentif dans sa poche et dévala les escaliers. En sortant de la maison, elle scruta les bois. La silhouette n’était plus visible.

Prenant une grande inspiration, Clara s’aventura à la lisière de la forêt. L’air y était plus dense, presque oppressant. Les branches semblaient s’entrelacer au-dessus d’elle, formant un plafond naturel qui bloquait une grande partie de la lumière du jour. Le sol était meuble, parsemé de racines sinueuses et de fougères humides.

Elle avança quelques mètres, attentive au moindre bruit. Mais l’intrus était rapide et connaissait visiblement le terrain. Après plusieurs minutes de recherches infructueuses, Clara se résigna à revenir vers la maison. Elle n’était pas équipée pour une traque en pleine forêt. Mais une chose était certaine : cette maison, et ce qui s’y trouvait, attiraient bien plus que son attention.

En regagnant sa voiture, elle serra le pendentif dans sa main. Jules avait été ici. Et quelqu’un d’autre savait qu’elle commençait à s’approcher de la vérité.

Pour la première fois depuis son arrivée à Saint-Luc, Clara sentit une peur sourde s’installer en elle. Mais cette peur n’était pas paralysante. Elle était galvanisante. Elle allait découvrir ce qui se passait, et pourquoi son frère avait été impliqué. Quel que soit le prix.