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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 3Rencontre glaciale


Léa Duval

La voiture noire freina en douceur devant l’imposante tour de verre, ses grilles dorées reflétant faiblement la lumière blafarde du crépuscule. À travers la fenêtre teintée, Léa observa la structure colossale s’élever vers un ciel menaçant, où les nuages lourds annonçaient une tempête imminente. Ce bâtiment n’était pas seulement une prouesse d’architecture moderne ; il symbolisait la froideur calculatrice du monde où elle venait d’être propulsée, un piège scintillant dissimulant ses lames.

Ses doigts se crispèrent sur le bord de sa pochette en cuir noir, tandis que la voix de son père résonnait encore dans son esprit. « Une voiture viendra te chercher demain pour rencontrer Gabriel. Prépare-toi. » Préparer quoi, exactement ? Elle n’avait aucune réponse. Tout ce qu’elle savait, c’était que la décision était prise, son avenir scellé sans qu’elle ait eu son mot à dire.

Le portier ouvrit la portière avec un sourire professionnel qui lui parut presque sarcastique. « Mademoiselle Duval, nous vous attendions. » Elle hocha légèrement la tête, dissimulant son trouble derrière l’élégance disciplinée qu’elle portait comme une seconde peau. Mais au fond d’elle, chaque pas vers cet édifice la faisait vaciller.

Le hall d’entrée, tout en dalles de marbre noir et murs d’acier, exhalait une ambiance clinique. La lumière tamisée semblait vouloir dissuader toute chaleur humaine, tout comme l’air froid qui s’insinuait sournoisement sous sa veste. Chaque détail ici criait contrôle et pouvoir.

Un homme en costume sombre, visiblement un assistant ou un garde du corps, apparut à ses côtés sans un mot. Il lui indiqua l’ascenseur privé, ses gestes précis et neutres. Pendant qu’ils montaient, l’air dans la cabine semblait se raréfier. Le bourdonnement mécanique des câbles était la seule distraction dans cet espace confiné. Chaque étage passé accentuait son appréhension.

Lorsque les portes s’ouvrirent finalement, Léa fut accueillie par une vaste pièce baignée de lumière naturelle, filtrant à travers des baies vitrées du sol au plafond. La vue panoramique sur la ville était à couper le souffle, mais elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une oppression sourde, un sentiment de confinement malgré l’immensité de l’espace.

Au centre de cette scène, Gabriel Moretti se tenait debout, de dos, observant la ville. Sa silhouette imposante dominait l’appartement, son costume sombre et impeccable accentuant l’aura de distance qui émanait de lui. Mais ce fut lorsqu’il se retourna que Léa sentit son souffle se figer.

Ses yeux gris, perçants et insondables, s’ancrèrent dans les siens, perçant ses défenses avec une intensité désarmante. Il était exactement comme elle se l’était imaginé, mais bien pire dans le réel. Ce n’était pas juste un homme d’affaires ou un futur conjoint imposé ; c’était une force, une menace enveloppée d’élégance.

« Mademoiselle Duval, » dit-il, sa voix grave et mesurée résonnant dans le silence. Pas de sourire, pas de poignée de main. Chaque mot semblait calibré, chaque geste conçu pour maintenir une distance.

Léa releva le menton, refusant de montrer la moindre faiblesse. « Monsieur Moretti. » Sa voix était posée, mais elle sentit sa gorge se serrer. Face à cet homme, elle devait prouver qu’elle n’était pas une marionnette docile.

Il fit quelques pas vers elle, chacun de ses mouvements empreint d’une précision déconcertante. « J’imagine que cette situation n’est pas exactement celle que vous auriez choisie. »

Elle haussa légèrement un sourcil, s’obligeant à soutenir son regard. « Vous avez raison. Mais il semble que ma famille ait pris cette décision pour moi. »

Un sourire fugace, presque imperceptible, fendit les traits de Gabriel. « Une chose que nous avons en commun, alors. »

Cette réponse la surprit, mais elle ne laissa rien paraître. Elle détailla rapidement la pièce du regard, espérant y trouver un indice sur cet homme : un tableau sombre et abstrait suspendu près de la baie vitrée, une statuette métallique disposée sur une étagère minimaliste. Tout était soigneusement choisi, mais dépourvu de toute chaleur humaine. Ce lieu était une cage, aussi élégante que glaciale.

Gabriel l’invita d’un geste à s’asseoir. Avec une hésitation maîtrisée, Léa prit place sur un fauteuil en cuir noir, croisant ses jambes pour dissimuler son trouble. Lui, en revanche, s’installa avec une nonchalance étudiée, comme s’il dominait déjà cet échange.

« Ce mariage, » commença-t-il en joignant les mains, « n’est pas une union sentimentale. Vous le savez déjà. »

« Croyez-moi, je ne nourris aucune illusion, » répliqua-t-elle, son ton teinté d’un sarcasme calculé. « Mais j’aimerais comprendre pourquoi maintenant, pourquoi vous. »

Gabriel inclina légèrement la tête, ses yeux la scrutant avec une intensité déstabilisante. « Parce que c’est le moment exact où cela bénéficie à nous deux. Pour moi, cela consolide ma position dans certains cercles influents. Pour vous, cela garantit la survie de votre famille. Il n’y a pas de mystère. »

Elle sentit une colère sourde monter en elle, mais elle s’efforça de la contenir. « Vous parlez comme si ma vie entière n’était qu’un pion dans votre stratégie. »

Il laissa échapper un léger rire, glacial et sans humour. « Nous sommes tous des pions, Mademoiselle Duval. La seule différence, c’est que certains savent jouer aux échecs. »

Léa détourna brièvement le regard, son regard se portant sur une montre posée sur une étagère. Elle était ancienne, élégante mais usée, un contraste étrange avec le reste de l’appartement. Un détail qui, pour une raison qu’elle ne comprenait pas encore, semblait dissonant avec l’image de perfection calculée que Gabriel projetait.

Il rompit le silence, sa voix prenant un ton légèrement plus bas. « Ce mariage sera une alliance. Rien de plus. Mais cela peut être quelque chose de moins, si vous le transformez en conflit. »

Elle revint à lui, soutenant son regard avec une résolution nouvelle. « Peut-être que je n’ai pas l’intention de rendre cela facile. »

Il s’appuya contre le dossier de son fauteuil, son expression impassible. « J’imagine que vous ne le ferez pas. Mais gardez à l’esprit que tout cela est... plus grand que vous et moi. »

Un silence s’étira entre eux, lourd de sous-entendus et de tensions non dites. Léa sentit sa respiration s’accélérer légèrement, mais elle refusa de baisser la tête. Cet homme, aussi intimidant soit-il, n’avait pas encore gagné.

Gabriel se leva finalement, mettant fin à leur échange avec une aisance déconcertante. Il se dirigea vers une table près de la baie vitrée, où il versa un verre de scotch. « Une voiture viendra vous chercher demain pour finaliser les accords. D’ici là, profitez de votre dernière soirée de liberté. »

Léa se leva à son tour, saisissant sa pochette avec une poigne ferme. « Ne vous méprenez pas, Monsieur Moretti. Je ne suis pas une pièce d’échiquier que l’on déplace sans conséquences. »

Il posa son regard sur elle, et un éclair d’amusement traversa ses yeux gris. « Nous verrons bien. »

Elle quitta la pièce sans un mot de plus, son cœur battant furieusement dans sa poitrine. Alors que l’ascenseur la ramenait vers le rez-de-chaussée, elle sentit une oppression peser sur sa cage thoracique, comme si l’air lui manquait. Pourtant, une pensée émergea, claire et résolue : cet homme n’était peut-être pas un adversaire ordinaire, mais elle non plus n’était pas une femme qui acceptait son destin sans se battre.