Télécharger l'application

Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 4CHAPITRE IV<br/><br/>LA LUTTE POUR UN MOT<br/>


« Ne te mêle pas de politique, ne t’occupe pas des affaires des autres », répète dès le début Marie-Thérèse à sa fille – avertissement au fond superflu, car rien n’importe à Marie-Antoinette que son amusement. Tout ce qui exige un examen approfondi ou une attention soutenue ennuie indiciblement cette jeune femme éprise d’elle-même, et c’est véritablement malgré elle si, au cours des premières années, elle est entraînée dans cette misérable petite guerre d’intrigues qui remplace à la cour de Louis XV la haute politique de son prédécesseur. Dès son arrivée elle trouve Versailles divisé en deux clans. La reine est morte depuis longtemps ; légitimement, donc, le premier rôle féminin à la cour, avec toutes les prérogatives qu’il comporte, revient aux trois filles du roi. Mais maladroites, stupides et mesquines, ces trois bigotes intrigantes ne savent profiter de leur situation que pour se tenir au premier rang à la messe et avoir le pas aux réceptions. Vieilles filles ennuyeuses et désagréables, elles n’ont aucun ascendant sur le roi, qui ne recherche que son plaisir, et jusque dans la sensualité la plus grossière ; aussi, comme elles sont sans pouvoir, sans influence, comme elles ne distribuent pas de places, aucun courtisan, même petit, ne brigue leurs faveurs, et tout l’éclat, tout l’honneur va à celle qui n’a rien de commun avec l’honneur, à la dernière maîtresse du roi, à Mme du Barry. Issue de la lie du peuple, d’un passé obscur, et même, si l’on veut donner créance aux bruits qui courent, parvenue dans la chambre à coucher royale après avoir passé par une maison publique, elle a obtenu de la faiblesse de son amant, afin d’avoir un semblant de droit d’accès à la cour, un époux nanti d’un titre de noblesse, le comte du Barry, mari extrêmement complaisant qui disparaît immédiatement et à jamais le jour même de la signature du mariage. Toujours est-il que ce nom a fait admettre à Versailles l’ex-fille des rues. Pour la deuxième fois une farce honteuse et ridicule s’est déroulée aux yeux de toute l’Europe : un roi très chrétien s’est fait présenter officiellement à la cour, comme étant une dame noble de lui inconnue, sa propre favorite bien connue de tous comme telle. Légitimée par cette réception, la concubine du roi habite le grand palais ; trois pièces seulement la séparent des filles scandalisées et sa chambre communique avec les appartements royaux par un escalier construit tout exprès. Avec son corps expert et celui, encore novice, de jolies filles obligeantes qu’elle amène au vieux libertin, elle tient Louis XV complètement sous sa dépendance : pour obtenir la faveur du roi il faut passer par son salon. Bien entendu, puisqu’elle a le pouvoir en main, tous les courtisans se pressent autour d’elle, les ambassadeurs de tous les souverains attendent, pleins de respect, dans son antichambre, rois et princes lui envoient des cadeaux ; elle peut destituer les ministres, distribuer des charges, se faire construire des châteaux, disposer du trésor royal ; de lourds colliers de diamants scintillent sur sa gorge voluptueuse, des bagues énormes brillent à ses doigts, baisés avec ferveur par toutes les Éminences, tous les princes et tous les solliciteurs, et un diadème invisible resplendit dans sa brune et luxuriante chevelure.

Ce chapitre est disponible dans notre application.

Télécharger et continuer à lire