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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 3La Cage Dorée


Liora Castiel

Liora Castiel fit glisser ses doigts élégamment manucurés le long du bord lisse d’une flûte de champagne, le verre frais contre sa peau. Elle se tenait à la périphérie de la salle, calme et impassible, tandis que le gala de charité battait son plein autour d’elle. Le penthouse des Castiel brillait de mille feux, un chef-d’œuvre de marbre et de verre reflétant le panorama scintillant de la ville au-delà. L’odeur des lys fraîchement coupés se mêlait au léger arôme des cigares coûteux, un équilibre savamment orchestré de luxe et de pouvoir. Liora inspira profondément ces senteurs, leur perfection artificielle lui rappelant sa propre cage dorée.

Les immenses fenêtres du sol au plafond offraient une vue imprenable sur la métropole qui s’étendait en dessous, le pouls incessant de la ville adouci par le calme oppressant de l’opulence. Pourtant, pour Liora, cette vue semblait aussi lointaine que les étoiles : des illusions scintillantes de liberté, bien au-delà de sa portée. La ville bruissait de vie, mais à cette hauteur, elle ne pouvait que regarder. Son propre reflet dans la vitre lui renvoyait l’image d’une perfection figée : ses longs cheveux noirs tombaient en vagues soyeuses, et ses yeux noisette, subtilement soulignés par un maquillage impeccable, ne trahissaient rien de ses tourments intérieurs. La robe qu’Elliot avait choisie pour elle était une œuvre d’art en soie couleur champagne, moulant chaque courbe avec une précision presque suffocante. Elle incarnait à la perfection le rôle d’épouse d’Elliot Castiel — une vision de grâce et de raffinement. Mais cette image lui semblait vide, comme si elle n’était qu’un mannequin exposé, son véritable moi enfoui sous des couches de soie et de prétention.

De l’autre côté de la pièce, la voix d’Elliot retentit, douce mais autoritaire. Il se tenait au centre d’un petit groupe d’influents décideurs, vêtu d’un costume bleu marine parfaitement taillé, si ajusté qu’il semblait une seconde peau. Il gesticulait avec aisance, sa canne en verre reposant à ses côtés. Le pommeau captait la lumière, projetant des éclats multicolores à travers la pièce dans une démonstration soigneusement calculée. L’effet était théâtral, hypnotisant — exactement comme Elliot l’avait prévu. Chaque mouvement assurait son emprise sur l’assistance, ses yeux d’un bleu glacial illuminés par la confiance inébranlable d’un homme qui ne doutait jamais de son pouvoir.

Quand son regard croisa finalement le sien, perçant et chargé d’intention, l’estomac de Liora se noua. Un sourire effleura ses lèvres — une fine courbe acérée, chargée de plus de poids qu’un ordre explicite. Elle inclina légèrement le menton pour reconnaître sa présence, un geste soumis qu’elle avait perfectionné lors d’innombrables soirées semblables. Pour les observateurs, cela semblait être une marque de respect d’une épouse dévouée envers son mari. Pour Liora, c’était un autre maillon de la chaîne qui se resserrait autour de sa gorge.

Alors que les conversations autour d’elle montaient et descendaient, Liora se déplaça lentement dans la pièce, ses pas précis et gracieux, comme si elle évoluait sur un échiquier où chaque mouvement avait son importance. Un sourire poli ici, un hochement de tête calculé là. Elle incarnait l’élégance, mais une anxiété brûlait sous son calme apparent. Elle sentait toujours le regard d’Elliot sur elle, même lorsqu’elle tournait les yeux. Il était une présence constante — une ombre qu’elle ne pouvait échapper, un projecteur dont elle ne pouvait fuir l’éclat.

« Liora, ma chère, » appela une voix suave derrière elle. C’était M. Grayson, un associé d’Elliot qu’elle se souvenait vaguement avoir rencontré lors d’un autre gala. Son ton débordait d’un charme calculé, mais ses yeux pétillaient d’une acuité perçante. « Vous êtes éblouissante ce soir, comme toujours. »

Liora força un sourire, étudié mais impeccable, qui n’atteignait pas tout à fait ses yeux. « Merci, Monsieur Grayson. Vous êtes bien aimable. »

« Et comment Elliot vous traite-t-il ces derniers temps ? » demanda-t-il, son ton léger, bien que ses paroles portassent une pointe subtile, acérée. « Je suppose qu’il vous garde occupée avec tous ces événements ? »

Son sourire ne vacilla pas, bien que quelque chose au fond de sa poitrine se soit tendu. « Oh, vous connaissez Elliot, » répondit-elle avec une douceur maîtrisée, sa voix teintée d’une légère touche d’amusement feint. « Il a toujours quelque chose de prévu. »

Grayson rit, mais son regard s’attarda une fraction de seconde de trop, révélant une pointe de condescendance ou de pitié. « Bien sûr qu’il a. Vous êtes vraiment le joyau de sa collection. »

Ces mots la frappèrent comme une lame glacée. Le souffle de Liora se suspendit, mais son maintien resta inébranlable. Elle émit un rire poli, son extérieur impassible, bien qu’intérieurement, la remarque résonnât douloureusement. Joyau. Collection. La cruauté désinvolte de ces mots laissa une douleur sourde dans sa poitrine, un rappel brutal de l’image qu’on projetait d’elle : un objet précieux, poli et exhibé. Alors que Grayson s’éloignait, une pensée fugace et amère lui traversa l’esprit : il n’avait pas tort.

Elle s’éclipsa, se dirigeant vers le bar. Le barman, un jeune homme en uniforme impeccable, lui tendit une nouvelle flûte de champagne sans un mot. Elle sirota lentement, laissant les bulles pétiller sur sa langue, et fit glisser son regard sur la salle. Le penthouse était un contraste frappant : chaque détail était conçu pour impressionner, depuis les lustres de cristal scintillants jusqu’aux œuvres d’art sur mesure ornant les murs. Pourtant, sous sa beauté superficielle, l’endroit semblait froid, clinique — un monument à l’obsession d’Elliot pour le contrôle. Une oppression saisit sa poitrine alors qu’elle observait l’éclat stérile de son environnement. Ce lieu n’était pas un foyer ; c’était une scène. Et elle, l’actrice principale, était épuisée par son rôle depuis bien longtemps.

« Belle soirée, n’est-ce pas ? » Une voix douce interrompit ses pensées. Liora se retourna pour voir une femme vêtue d’une robe émeraude scintillante à ses côtés. Le sourire de la femme était chaleureux, bien que prudent, et son expression légèrement hésitante, comme si elle testait prudemment les eaux d’une conversation.

« Oui, en effet, » répondit Liora, son propre sourire léger mais sincère. Pendant un bref instant, la tension dans sa poitrine s’apaisa. L’interaction était petite, insignifiante dans le grand schéma de la soirée, mais elle ressemblait à une minuscule fissure dans la façade — un rappel que l’humanité existait encore, même au cœur du monde méticuleusement façonné d’Elliot.

« Parfois, je me demande comment on peut survivre à ce genre d’événements, » dit la femme avec un léger rire, baissant la voix. « Tous ces regards braqués — c’est épuisant. »

Les lèvres de Liora esquissèrent un faible sourire complice. « Ça l’est, » acquiesça-t-elle doucement. La franchise de la femme, aussi brève soit-elle, lui laissa une lueur de réconfort, une fugace sensation de camaraderie. Liora la regarda s’éloigner, la laissant de nouveau seule.Son regard se posa sur l’autre extrémité du penthouse, là où une paire de portes en acajou poli demeurait close. Derrière elles se trouvait le bureau privé d’Elliot, un lieu où elle pénétrait rarement et jamais sans sa permission. Elle pouvait presque entendre le bourdonnement des dispositifs de surveillance dissimulés à l’intérieur, sentir le poids des secrets tapissant cet espace, battant comme un cœur invisible sous la surface. Cette pensée lui causa un frisson mêlé d’inquiétude et de résolution. Elle savait que cette pièce contenait des réponses, des vérités capables de déchirer la vie soigneusement façonnée qu’Elliot avait bâtie autour d’elle.

Pas ce soir. Pas encore.

Le doux éclat du rire d’Elliot ramena son attention vers la fête. Il parlait avec enthousiasme, accompagnant ses paroles de gestes emphatiques avec sa canne en verre, tandis que son auditoire buvait littéralement ses mots. La poignée de la canne captait encore une fois la lumière des lustres, la réfractant en un prisme éblouissant qui dansait à travers la pièce. Cette vision lui donna l’impression d’être mise à nu, comme si cette lumière fragmentée exposait la sérénité calculée qu’elle maintenait avec tant d’efforts. Elliot adorait ses symboles de pouvoir.

Elle resserra ses doigts autour de la tige de sa flûte de champagne, la froideur du verre l’ancrant dans le moment présent tandis que le médaillon à son cou pesait légèrement contre sa poitrine. La fine chaîne en or était dissimulée sous le tissu fluide de sa robe, mais sa présence représentait un acte de rébellion silencieux, un rappel discret de ce qui lui appartenait encore. Elle laissa ses doigts effleurer le contour du médaillon à travers la soie, cherchant du courage dans cette opposition secrète.

La nuit s’étira, un enchaînement flou de visages souriants et de politesses vides de sens. Liora joua son rôle avec une perfection maîtrisée : son sourire ne faiblissait jamais, ses mouvements étaient l’expression même de la grâce. Mais au fil des heures, la pression – celle de la surveillance constante, des attentes, de cette perfection suffocante – commença à peser sur elle comme une cage de fer.

Enfin, la voix d’Elliot s’éleva, marquant la fin des formalités. La salle se remplit d’applaudissements polis, et les invités commencèrent à se diriger vers les sorties. Elliot s’approcha d’elle, son sourire toujours aussi impeccable.

« Tu étais exquise ce soir, » murmura-t-il, posant légèrement sa main sur son coude. Pour un observateur extérieur, c’était un geste tendre. Pour Liora, c’était une marque de possession.

« Merci, » répondit-elle d’une voix ferme malgré la tempête intérieure qui rugissait en elle.

Il se pencha vers elle, ses lèvres frôlant son oreille. « La perfection est ce qui maintient le monde captivé. Ne la laisse pas s’effondrer. »

Ces mots la glacèrent, aussi aiguisés et intentionnels que l’éclat froid de sa canne. Elle hocha la tête et lui offrit le sourire apaisant qu’il exigeait. Tandis que les derniers invités s’éclipsaient, elle s’excusa et se réfugia dans le sanctuaire de sa chambre de toilette.

Le silence y était presque assourdissant, l’absence du regard d’Elliot à la fois un soulagement et un rappel de sa vigilance omniprésente. Elle ferma la porte derrière elle et s’effondra sur le canapé en velours, ses mains légèrement tremblantes. D’un geste précis, elle détacha le bracelet en diamants qu’Elliot avait attaché à son poignet au début de la soirée. Son poids, écrasant, symbolisait une chaîne déguisée en ornement. Elle le posa soigneusement sur la coiffeuse, ce simple acte emplissant son esprit d’une nouvelle détermination.

Ses doigts trouvèrent instinctivement son médaillon, en suivant les délicates gravures du bout des doigts. Le parfum subtil des lys persistait encore sur sa peau, un rappel tangible de la soirée accablante. Mais sous ce poids oppressant, une étincelle de défi grandissait.

La cage dorée pouvait bien la retenir pour l’instant, mais elle ne parviendrait jamais à éteindre le feu qui brûlait en elle.

Un jour, se promit-elle dans un silence résolu, elle trouverait un moyen de s’en libérer.