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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 3L'enquête commence


Damien Kingston

Le corps était encore chaud.

Le détective Damien Kingston se tenait au-dessus du cadavre d’Eduardo Diaz, ses yeux gris-bleu capturant chaque détail avec la précision d’un homme qui avait trop souvent croisé la mort pour encore en être ébranlé. L’usine abandonnée s’élevait autour de lui, ses murs rongés par la rouille, ses machines squelettiques projetant des ombres déformées sous la lumière vacillante d’un unique lampadaire industriel. La pluie s’infiltrait à travers les fissures du toit en tôle ondulée, son rythme irrégulier accentuant le silence oppressant. L’odeur métallique du sang se mêlait à celle, rance, de l’huile et de la rouille, s’imprégnant dans les sens de Damien. Non loin, un tuyau mal fixé sifflait doucement, émettant une plainte ténue.

La silhouette massive d’Eduardo gisait contre le béton froid, les lignes autrefois impeccables de son manteau sur mesure imbibées d’un rouge vif. Damien s’accroupit, ses chaussures en cuir émettant un léger grincement, et examina la blessure avec l’œil exercé de celui qui avait déjà trop souvent contemplé ce genre de scène. Une seule frappe, inclinée vers le haut, visant précisément le cœur. Pas d’hésitation. Pas de mouvement superflu. Celui qui avait fait cela n’était pas simplement compétent—il était méthodique.

Non loin de là, un fragment de miroir reposait à côté du corps, ses bords tranchants scintillant faiblement sous la lumière. Les doigts gantés de Damien s’arrêtèrent un instant au-dessus, avant qu’il ne le ramasse avec précaution, inclinant l’objet pour capter les reflets de cet espace désolé. Du sang maculait sa surface, mais son emplacement était intentionnel—cela n’avait rien d’un accident. C’était un message pour quiconque prendrait la peine de regarder.

Les arêtes du fragment semblaient trancher plus que la lumière ; elles s’insinuaient dans les pensées de Damien, effleurant une familiarité presque imperceptible. Il n’arrivait pas à la replacer—pas encore. Mais cela le troublait, comme un mot sur le bout de la langue. Ce n’était pas un règlement de comptes mafieux. Cela manquait de la brutalité ostentatoire ou des avertissements soigneusement orchestrés habituels à ce genre de crimes. C’était… autre chose.

« Inspecteur Kingston ! » La voix claire et autoritaire de son partenaire, l’agent spécial Callahan, brisa l’atmosphère figée. Damien releva légèrement la tête, jetant un regard par-dessus son épaule alors que les chaussures impeccables de Callahan résonnaient sur le sol en béton. Le costume parfaitement ajusté de l’homme restait curieusement immaculé malgré la crasse omniprésente de l’usine, et son expression demeurait professionnelle, bien qu’une lueur d’inquiétude traversât furtivement ses yeux sombres en se posant sur le corps sans vie d’Eduardo.

« Qu’as-tu trouvé ? » demanda Damien, sa voix calme, mais empreinte d’une concentration rigide.

Callahan s’arrêta à ses côtés, ajustant sa cravate par habitude, ses traits acérés marqués par une réflexion intense. « Le rapport préliminaire vient de tomber. Aucune trace d’effraction. Celui qui a fait ça est entré et sorti sans laisser de traces. Il connaissait les lieux, savait où se trouvait le garde. »

« Et le garde ? » demanda Damien, croisant les bras en se tournant vers son partenaire.

« Toujours en vie, » répondit Callahan d’un ton précis mais mesuré. « Retrouvé inconscient derrière l’usine. Poignets attachés avec des colliers de serrage, légère commotion. Celui qui l’a neutralisé ne voulait pas le tuer. »

Les sourcils de Damien se froncèrent. « Ce n’est pas la procédure habituelle pour quelqu’un dans les affaires d’Eduardo. Les témoins gênants sont des risques. »

« Exactement, » acquiesça Callahan, sa voix baissant légèrement, ses paroles pesées. « Ce meurtre n’était pas autorisé. Eduardo était trop haut placé. Quelqu’un agit en marge des règles. »

Damien détourna son regard vers le fragment de miroir, ses pensées tournoyant autour des indices comme des pièces d’un puzzle déroutant. La précision du meurtre, la retenue calculée concernant le garde, ce miroir—tout cela pointait vers une intention plus profonde. « Ce n’était pas une question de pouvoir, » déclara Damien finalement. « Ce n’était pas pour prendre sa place. »

Callahan haussa un sourcil sceptique. « Alors, c’était pour quoi ? »

Damien s’accroupit à nouveau, ses doigts gantés traçant les bords du fragment comme s’il pouvait en extraire des secrets. « L’effacement, » murmura-t-il, sa voix posée mais chargée. « Ce n’était pas pour gravir les échelons. C’était personnel. Celui qui a fait ça ne voulait pas seulement qu’Eduardo meure—il voulait qu’il disparaisse. »

Callahan croisa les bras, se balança légèrement, et malgré sa posture assurée, une fissure dans son calme semblait transparaître face à la scène. « Alors, à quoi on a affaire ? Un justicier ? Un assassin indépendant ? »

« Peut-être les deux, » répondit doucement Damien. « Ou aucun des deux. »

Les mots flottèrent, lourds de non-dits que ni l’un ni l’autre n’osait formuler. Les justiciers, dans cette ville, finissaient souvent par être consumés par le feu qu’ils avaient eux-mêmes allumé. Les assassins solitaires étaient froids, méthodiques. Mais ceci… ceci était différent. Le fragment de miroir, la précision méticuleuse—ce n’était pas un simple meurtre. C’était un message.

« On sait quelque chose sur les récents mouvements d’Eduardo ? » demanda Damien, se relevant et passant une main sur son menton, le léger frottement de sa barbe le ramenant à l’instant présent.

Callahan hocha la tête. « Son personnel a mentionné une lettre reçue plus tôt cette semaine. Livrée à la main, sans adresse d’expéditeur. Ils ont dit qu’il avait brûlé l’enveloppe après l’avoir lue. Quoi qu’elle contenait, ça l’a terrifié. Il était encore plus paranoïaque que d’habitude. »

« Une lettre, » répéta Damien, son regard devenant plus acéré. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était un point de départ. « Demande aux techniciens d’analyser les cendres. Vois s’il reste une trace d’encre ou de papier. »

« Je m’en occupe, » répondit Callahan. « Mais ça va prendre du temps. Eduardo avait plus d’ennemis que d’amis, et la plupart avaient les moyens de le faire disparaître. »

« On n’a pas le temps pour ça, » répliqua Damien, sa voix tranchante comme une lame, surprenant même lui-même. Il expira lentement, maîtrisant sa frustration, et continua sur un ton plus posé. « Celui qui a fait ça n’a pas terminé. C’était trop propre, trop calculé. Il prépare quelque chose. »

Callahan l’observa un instant, ses yeux sombres plissés par une inquiétude palpable. « Damien, » commença-t-il, sa voix s’adoucissant, « tu te pousses trop depuis… » Il hésita, laissant un nom non prononcé flotter entre eux comme un spectre. « Depuis Sarah. »

Le nom frappa comme une lame émoussée, rouvrant une plaie que Damien s’efforçait de cacher sous des couches de résilience. Ses poings se contractèrent le long de son corps, et pendant un instant, le goutte-à-goutte d’une fuite d’eau sembla assourdissant, le ramenant à un souvenir qu’il aurait préféré oublier. Du sang sur le trottoir. Un cri déchirant la nuit. Une promesse brisée.« Ce n’est pas à propos d’elle », finit par dire Damien, sa voix plus basse cette fois, mais tout aussi déterminée.

« Vraiment ? » insista Callahan doucement, une inquiétude transparaissant dans son ton d’ordinaire détaché. « Je sais ce que courir après des fantômes peut faire à de bons détectives. Ne laisse pas cette affaire te briser et te recracher. »

La mâchoire de Damien se serra, mais il ne répondit pas. La vérité dans les paroles de Callahan était trop crue pour être admise ici, au milieu des échos de la mort et de la décomposition. Il détourna son regard vers la scène du crime, vers le puzzle qui attendait d’être résolu. « Commence à dresser une liste des associés d’Eduardo », finit-il par dire. « Tous ceux qui auraient pu avoir accès à cette usine. Je m’occupe du reste. »

Callahan poussa un soupir, ses épaules s’affaissant presque imperceptiblement. « Très bien. Mais ne viens pas me dire que je ne t’avais pas prévenu. »

Alors que les pas de Callahan s’éloignaient, Damien s’agenouilla à nouveau près du cadavre d’Eduardo. Un éclat de miroir brillait faiblement sous la lumière tamisée, ses bords déchiquetés, tranchants et impitoyables. Il le glissa précautionneusement dans un sac à preuves qu’il scella d’un claquement net. Celui qui avait laissé cet objet derrière lui n’avait pas seulement laissé une trace – il avait lancé un défi.

Dehors, la pluie martelait plus fort contre le toit rouillé, son rythme implacable résonnant comme une sombre contrepartie à la tempête qui grondait dans l’esprit de Damien. Il s’avança dans la nuit sans hésitation, son esprit explorant déjà toutes les possibilités. Quelque part dans les ombres de la ville, un tueur l’attendait. Et Damien avait l’intention de le trouver.

Même si cela signifiait affronter l’obscurité qui sommeillait en lui.