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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 3La Première Offensive


Margot Hensley

Margot Hensley était assise à son élégant bureau en acajou, dont la surface parfaitement polie reflétait la lumière du soleil filtrant à travers les baies vitrées de son appartement. La pièce, à l’image de Margot elle-même, était impeccable : une décoration minimaliste aux tons sobres, agrémentée d’un simple vase de lys blancs frais qui ajoutaient une touche d’élégance. Devant elle, son agenda méticuleusement organisé était ouvert, témoignant de son obsession pour le contrôle à travers ses onglets précisément codés par couleur. Une tasse fumante de thé vert refroidissait, intacte, à sa droite. Toute son attention était concentrée sur l’écran lumineux de son ordinateur portable, où la phase une de son projet de vengeance attendait d’être mise en œuvre.

Sur l’écran, une photo de Ryan Caldwell la défiait par son absurdité. Prise durant leurs années d’université, elle le montrait exécutant un "keg stand", torse nu, avec une paire de lunettes de soleil néon criardes qui respiraient l’immaturité. En arrière-plan, des camarades de fraternité figés dans un geste d’encouragement, éclatant de joie alcoolisée. Margot détestait déjà cette photo à l’époque, et elle la détestait encore plus maintenant. Pour Ryan, ce n’était qu’un souvenir inoffensif de jeunesse insouciante. Pour Margot, c’était l’incarnation même de tout ce qu’elle méprisait chez lui : son arrogance, sa suffisance et cette facilité déconcertante avec laquelle il s’en sortait toujours grâce à son charme.

Son doigt flottait au-dessus du pavé tactile, suspendu. Un moment d’hésitation s’insinua, non invité. Ses yeux bleu perçant tombèrent sur son agenda. Elle tourna l’onglet de la journée en cours : tout était programmé, chaque variable sous contrôle. Pourtant, son pouls s’accéléra. Était-ce un geste trop mesquin ? Trop personnel ? Des images traversèrent son esprit : le rire insouciant de Ryan quand il se sortait d’un PV, la manière dont il avait qualifié ses plans de mariage méticuleux de "trop compliqués", et surtout, la place vide qu’il avait laissée à l’autel. Ses mâchoires se crispèrent. Ce n’était pas une simple question d’humiliation. C’était une question de justice.

Un souvenir fugace refit cependant surface : Ryan, des années auparavant, lui apportant un café durant une nuit blanche d’études. Ses cheveux en bataille, sa chemise froissée, mais ce sourire... sincère, désarmant. Ce souvenir lui avait fait oublier sa fatigue à l’époque. Elle expulsa cette image avec une inspiration brusque. Ce Ryan-là n’existait plus. Peut-être n’avait-il jamais existé.

« Très bien, » murmura Margot, sa voix empreinte de détermination. « Voyons ce que le monde pense du vrai Ryan Caldwell. »

La sonnerie de l’interphone interrompit ses pensées. Elle jeta un œil à l’écran et aperçut Sophie Alvarez dehors, tenant une boîte à pâtisseries dangereusement inclinée. Margot soupira et appuya sur le bouton pour la faire entrer.

Quelques instants plus tard, Sophie fit irruption dans l’appartement, aussi pétillante que la robe maxi fleurie qu’elle portait. Ses cheveux bruns bouclés étaient relevés en un chignon négligé, et ses yeux marron pétillaient de malice alors qu’elle déposait la boîte sur le comptoir de la cuisine.

« Apporté des glucides, » annonça Sophie. « Toute génie du mal a besoin de carburant. »

Margot arqua un sourcil, mais un sourire effleura ses lèvres. « Je ne suis pas un génie du mal. »

« Bien sûr que non, » répliqua Sophie en levant les yeux au ciel tout en sortant un croissant géant. « Alors, c’est quoi l’acte de méchanceté du jour ? Des serpents dans sa voiture ? Louer un avion pour écrire "Connard" dans le ciel ? Oh, attends – tu vas simuler ta propre mort façon soap opera ? »

Margot tourna son ordinateur portable vers elle. « Non. Juste ça. »

Sophie se pencha pour mieux voir, plissant les yeux. Dès qu’elle comprit de quoi il s’agissait, elle éclata de rire. « Oh, c’est brillant. Les frasques classiques d’un frat-boy. Mets une légende : ‘Futur PDG ou futur mème ?’ »

« ‘Certaines choses ne changent jamais,’ » corrigea Margot, avec un sourire qui n’atteignit pas tout à fait ses yeux.

Le rire de Sophie s’évanouit. Elle posa le croissant et fronça les sourcils. « Écoute, je comprends. Vraiment. Mais tu es sûre que c’est ce que tu veux ? Étaler ses travers sur les réseaux sociaux... ça va vraiment te soulager ? »

« Oui, » répondit Margot avec fermeté, bien que sa voix tremblât légèrement. « Il m’a laissée à l’autel, Sophie. Devant tout le monde. Il le mérite. »

Sophie croisa les bras et s’appuya contre le comptoir. « D’accord, mais écoute. La vengeance, ça fait du bien sur le moment, mais ça ne règle rien. Ça fait juste diversion par rapport à ce qui fait vraiment mal. »

Margot se redressa. « Ce n’est pas une diversion. C’est une question de rendre des comptes. »

Sophie soupira, son expression s’adoucissant. « Très bien, Cruella. Juste, promets-moi de ne pas te réveiller un jour en réalisant que je ne reconnais plus ma meilleure amie, d’accord ? »

Margot ignora la remarque et se retourna vers son ordinateur. Sa main resta un moment suspendue au-dessus du pavé tactile avant de finalement cliquer. La barre de téléchargement se remplit, puis disparut. C’était fait.

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Plus tard dans la journée, Margot gara sa voiture dans l’allée gravillonnée du domaine Hensley, le vaste manoir de son enfance, à la fois lieu de refuge et prison d’attentes étouffantes. Du lierre escaladait les murs de pierre, sauvage et incontrôlé, tranchant avec l’intérieur soigneusement entretenu. Elle descendit de voiture, ses talons claquant sur le gravier, et inspira profondément pour se ressaisir. Elle n’était pas revenue depuis le fiasco du mariage, et la vue de la maison éveillait chez elle un mélange de nostalgie et d’amertume.

Elaine Hensley l’attendait dans le grand salon, encadrée par de hautes fenêtres baignées de la douce lumière de l’après-midi. Ses cheveux blond cendré étaient coiffés en un chignon impeccable, et sa robe sur mesure bleu marine était aussi affûtée que son regard vert.

« Tu es en retard, » dit Elaine, sa voix sèche, en désignant un fauteuil pour qu’elle s’assoie.

« Le trafic, » répondit Margot en s’installant sur le canapé ancien et rigide. Elle croisa les jambes, ses talons pointus frappant légèrement le parquet poli.

Elaine ne tenta même pas de masquer sa désapprobation. « Nous devons parler des dépenses du domaine. Les jardins à eux seuls coûtent une fortune à entretenir. »

« Ils sont envahis, » constata Margot en jetant un coup d’œil à travers la fenêtre. « Peut-être réduire le personnel. »

Les lèvres d’Elaine se pincèrent. « Ce domaine est un symbole de l’héritage de notre famille. Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons négliger. »

Margot résista à l’envie de lever les yeux au ciel. L’obsession d’Elaine pour les apparences était étouffante, mais Margot comprenait parfaitement cette préoccupation.Elles étaient plus semblables qu’elle ne voulait bien l’admettre.

Alors qu’Elaine déroulait une explication méticuleuse des finances du domaine, le téléphone de Margot vibra dans son sac à main. Elle jeta un coup d’œil discret à l’écran et aperçut une notification de la page de potins. La photo gagnait rapidement en popularité : des mentions "J’aime", des commentaires, des partages. Une vague d’exultation triomphante la traversa.

« Quelque chose de drôle ? » demanda Elaine d’un ton tranchant.

« Rien d’important », répondit Margot en glissant son téléphone dans son sac. « Juste heureuse de voir certains plans se concrétiser. »

Le regard d’Elaine s’attarda sur elle un instant de trop, plus longtemps que nécessaire. « Les plans ont une fâcheuse tendance à se défaire lorsqu’ils ne sont pas soigneusement réfléchis. »

Margot fronça les sourcils face à cette remarque énigmatique mais se retint de répondre. Elle rangea cette pensée dans un coin de son esprit, un autre fil à tirer plus tard.

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Lorsque Margot regagna enfin son appartement, la photo était devenue virale. Les médias s’étaient emparés de l’image, la présentant comme une « facette légère » des années universitaires tumultueuses d’un magnat des affaires. Les commentaires fusaient, oscillant entre moqueries et incrédulité, et la réputation sans faille de Ryan subissait son premier coup sérieux.

Margot se servit un verre de vin et s’enfonça dans les coussins moelleux de son canapé. Elle s’accorda un moment de satisfaction, parcourant les réactions en ligne. Mais alors que l’euphorie initiale s’estompait, les paroles de Sophie résonnèrent dans son esprit : *Je ne veux pas me réveiller un jour et ne plus reconnaître ma meilleure amie.*

Son téléphone vibra de nouveau, interrompant sa rêverie. Un message provenant d’un numéro inconnu : *Beau coup. Mais il faudra plus que des photos de soirées étudiantes pour le faire tomber.*

Le cœur de Margot manqua un battement. Ses doigts hésitèrent sur l’écran alors qu’elle tapait une réponse : *Qui êtes-vous ?*

La réponse arriva presque instantanément : *Il y a plus à savoir sur Ryan que ce que tu imagines. Appelle si tu es prête à entendre la vérité.*

Son pouls s’accéléra. Le message était frustrant, exaspérément vague, le genre d’appât qu’elle savait qu’elle devrait ignorer. Et pourtant, la curiosité la tiraillait. Si cette personne détenait des informations capables de l’aider...

Son téléphone vibra à nouveau. Cette fois, c’était Sophie : *Vin et pâtes chez moi demain ? Apporte ton planner. Je veux voir cette folie de près.*

Margot sourit malgré elle. La présence inébranlable de Sophie était un pilier dont elle n’avait pas mesuré l’importance jusqu’à maintenant. Pour l’instant, cela suffirait.

Elle jeta un dernier coup d’œil au message anonyme, une inquiétude diffuse s’immisçant dans sa poitrine. Elle avait ouvert la boîte de Pandore, et elle n’était pas sûre de pouvoir la refermer.

Prenant une profonde inspiration, Margot posa son téléphone de côté et attrapa son Precision Planner. La prochaine phase de son plan était déjà en train de prendre forme.