Chapitre 1 — La Bombe de la Rupture

Mia

Je fixe mon téléphone, les mots se brouillant comme une mauvaise blague. Ma main se crispe autour de l’appareil, comme si le serrer pouvait changer le sens du message.

Salut Mia. Je suis vraiment désolé, mais je ne peux pas aller au bal ce soir. Je pense que c’est mieux comme ça.

Mieux comme ça ? Ces mots tournent en boucle dans mon esprit, tranchant dans ma poitrine comme un disque rayé. Mon cœur bat si fort que je l’entends dans mes oreilles, tandis que ma gorge se serre au point que j’ai du mal à déglutir. La robe lavande que j’ai passé des semaines à choisir me semble soudain peser une tonne, son tissu collant désagréablement à ma peau. Mon estomac se noue, et bien que j’inspire profondément pour me calmer, la douleur s’intensifie encore.

Je m’assieds au bord de mon lit, le bruissement des couches de tissu brisant le lourd silence de la pièce. Une légère odeur chimique de laque flotte encore dans l’air, presque comme pour se moquer de moi. Mon regard est attiré par mon reflet dans le miroir de l’autre côté de la chambre : une fille avec des boucles parfaitement coiffées et un maquillage soigneusement appliqué. Une version de moi que j’ai passée des heures à préparer pour ce soir. Une version qui me semble maintenant ridicule, une parodie amère.

Je relis le message, espérant contre toute logique que les mots se réarrangent en quelque chose de différent. Quelque chose de mieux. Peut-être, *Je plaisante ! J’arrive dans cinq minutes.* Mais l’écran reste obstinément silencieux, et chaque mot semble m’agresser comme une blessure que je ne peux effacer.

Ma vision se trouble, et une larme solitaire roule sur ma joue. Je jette le téléphone sur le lit, comme si m’éloigner de lui pouvait atténuer la douleur. Mes mains tremblent alors que je les presse contre mon visage, essayant de contrôler ma respiration. La colère monte sous la tristesse, brûlante et vive, bouillonnant en vagues. Comment a-t-il pu me faire ça ? Après tout ce que j’ai planifié, tout ce que j’ai fait pour rendre cette soirée parfaite. Est-ce moi ? Ai-je été trop exigeante ? Ai-je demandé trop ?

Je joue avec le bracelet à breloques à mon poignet, le froid de l’argent mordant ma peau. Le petit charme en forme de fleur lavande brille doucement, assorti parfaitement à ma robe. Un détail soigneusement pensé dans tout ce grand plan de perfection pour ce soir. Et maintenant, tout s’effondre.

Le léger claquement de talons sur le parquet me tire de mes pensées sombres. La voix de Jenna fend le brouillard.

« Mia ? » appelle-t-elle, son ton léger mais teinté d’inquiétude. « Pourquoi tu es assise là ? On est censées partir dans— » Elle stoppe net dans l’embrasure de la porte, son regard scrutateur me sondant. Son expression change aussitôt. « Qu’est-ce qui se passe ? »

Je lève les yeux et la vois là, resplendissante dans une robe rouge éclatante qui épouse parfaitement sa silhouette menue. Ses boucles brunes rebondissent alors qu’elle incline la tête, ses grands yeux verts pleins d’inquiétude. Elle est tout ce que j’aurais voulu ressentir ce soir : confiante, excitée, pleine de vie.

« Alex a annulé, » dis-je finalement, ma voix se brisant. Les mots sont amers sur mes lèvres, et les prononcer à haute voix ne rend pas la réalité plus facile à accepter.

« Quoi ? » Jenna entre dans la pièce, ses talons claquant avec assurance. Elle s’assoit sur le lit à côté de moi, passant de l’incrédulité à une colère féroce. « Qu’est-ce que tu veux dire par “il a annulé” ? Genre, il ne vient pas du tout ? »

Je hoche la tête, mordant l’intérieur de ma joue pour contrôler mes émotions. « Il a juste envoyé un texto. Il a dit que c’est “mieux comme ça”. » À haute voix, les mots paraissent encore plus absurdes.

« Mieux comme ça ? » La voix de Jenna monte d’un cran, débordante d’indignation. « Ça veut dire *quoi*, ça ? Pff, je savais qu’il était un drapeau rouge ambulant. Je le savais. » Elle passe un bras autour de mes épaules, me tirant dans une étreinte ferme. « Il ne te mérite pas, Mia. Sérieusement. Tu es bien trop bien pour lui. »

Ses mots font naître quelque chose en moi, mais c’est vite noyé par le poids de mes propres pensées. « Est-ce que je le suis vraiment ? » Ma voix tremble malgré tous mes efforts pour paraître forte. « Parce que là, je me sens juste idiote. J’ai passé tellement de temps à faire en sorte que tout soit parfait, et maintenant je suis juste la fille qui s’est fait larguer le soir du bal. »

Jenna se recule légèrement pour me regarder, son expression s’adoucissant. « Mia, non. Tu n’es pas idiote. Et tu n’es sûrement pas une pauvre fille cliché. Tu es Mia Carter, bordel. Tu n’as pas besoin d’un gars comme Alex pour rendre cette soirée incroyable. » Sa voix est vive et déterminée, mais un doute persistant reste planté au fond de mon estomac.

Je laisse échapper un rire amer, qui ressemble davantage à un son étranglé. « Bien sûr. Juste moi, moi-même et ma soirée de pitié. »

« Qu’est-ce qui se passe ? » La voix de Nathan interrompt, décontractée et curieuse. Je tourne la tête en direction de la porte pour le voir appuyé contre le cadre, sa veste de costume négligemment jetée sur une épaule et sa cravate déjà défaites. Typique de Nathan — à moitié habillé et totalement insouciant.

« Alex l’a laissée tomber, » annonce Jenna avant que je ne puisse l’arrêter.

Nathan siffle doucement, haussant un sourcil. « Waouh. Pas cool. »

« Merci pour ton analyse percutante, » grogné-je, le fusillant du regard à travers le brouillard de ma frustration.

Il entre dans la pièce, croisant les bras sur sa poitrine. « Hé, je dis juste ce que je pense. Mais sérieusement… tu comptes quand même y aller ? »

« Non. » Le mot m’échappe avant même que j’y réfléchisse. « Pourquoi j’irais ? Tout le monde va savoir, Nathan. Ils vont me voir arriver seule et se dire que je n’ai même pas réussi à garder l’intérêt de mon copain pour une seule soirée. »

L’expression de Nathan se radoucit d’une manière qui me prend toujours au dépourvu. « Mia, personne ne va penser ça. Et même s’ils le font, qu’est-ce que ça change ? C’est le bal. C’est censé être amusant, pas un concours pour déterminer qui a le meilleur cavalier. »

« Facile à dire pour toi, » rétorqué-je. « Ce n’est pas toi qu’on va humilier. »

« Humilier ? » Le ton de Jenna devient plus vif, son instinct protecteur prenant le dessus. « Mia, ce n’est pas toi qui devrais te sentir gênée. Alex est l’idiot qui t’a larguée. Ne le laisse pas te voler cette soirée. Va au bal. Montre à tout le monde à quel point tu es incroyable, avec ou sans lui. »

Je la fixe, ma poitrine se resserrant à nouveau. L’idée de marcher seule dans cette salle de bal me noue l’estomac, mais l’alternative — rester ici pendant que tout le monde s’amuse — me semble tout aussi insupportable.

Nathan sourit soudainement, brisant la tension. « Tu sais, si tu es désespérée, je suis sûr que Ry ne dirait pas non pour être ton cavalier. »

Je me tourne brusquement vers lui. « Quoi ? Non. »"Absolument pas."

"Pourquoi pas ?" Il hausse les épaules, réprimant un sourire. "Il y va déjà. Et il sait se mettre en valeur, pour un gars qui ne fait même pas d’effort."

"Parce que c’est *ton* meilleur ami, pas le mien. Et il est..." Je m’arrête, sentant mes joues s’empourprer.

"Et il est quoi ?" insiste Nathan, son sourire s’élargissant.

"Ennuyeux," je finis maladroitement, refusant de croiser le regard amusé de Jenna.

"Ennuyeux, hein ?" Nathan ricane. "Eh bien, ennuyeux ou pas, il dirait probablement oui si tu lui demandais. Je dis ça, je dis rien."

"Bien noté," je grommelle, regrettant déjà cette conversation.

Nathan lève les mains en signe de reddition feinte. "D’accord, d’accord. Je ne fais que proposer." Il se dirige vers la porte, s'arrêtant pour me lancer un dernier sourire taquin par-dessus son épaule. "Pour info, tu survivrais. Promis."

Jenna attend qu’il soit parti pour se tourner à nouveau vers moi. "Écoute, Mia. Je sais que ce n’est pas comme ça que tu imaginais ta soirée, mais ça ne veut pas dire qu’elle ne peut pas être géniale malgré tout. Tu attends ce bal depuis des mois. Ne laisse pas Alex te gâcher ça."

Ses mots flottent dans l’air tandis que je baisse les yeux vers le bracelet à mon poignet. La fleur lavande scintille légèrement sous la lumière, et pour la première fois, je remarque que la surface du pendentif est légèrement éraflée—imparfaite, mais toujours belle. Peut-être que j’accorde trop d’importance à la perfection. C’est peut-être ça, le problème.

Je prends une profonde inspiration, le poids sur ma poitrine s’allégeant légèrement. "Tu as raison. Je ne vais pas le laisser me gâcher ça."

Le visage de Jenna s’illumine, son sourire aussi éclatant que le rouge flamboyant de sa robe. "C’est l’esprit ! Allez, on répare ton maquillage et on sort d’ici avant que tu changes d’avis."

Elle me tire vers la salle de bain, son enthousiasme contagieux. Les doutes qui subsistent dans mon esprit ne disparaissent pas complètement, mais pour la première fois de la soirée, une petite lueur de détermination s’allume en moi.

Peut-être que cette soirée ne sera pas parfaite. Mais peut-être—juste peut-être—qu’elle n’a pas besoin de l’être.