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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 1Arrivée à Santorin


Sophie Larkin

Le ferry tanguait doucement à l’approche du quai, tandis que la mer Égée scintillait sous le soleil doré de fin d’après-midi. Sophie Larkin se tenait à la rambarde, ses doigts serrant fermement la peinture écaillée de la barre métallique. La brise salée emportait des mèches de sa tresse lâche, imprégnée d’un subtil parfum de thym sauvage et de roche chauffée par le soleil. D’un geste machinal, elle repoussa ses boucles rebelles, ses yeux noisette rivés à l’horizon. Santorin se dévoilait devant elle, un croissant de maisons blanchies à la chaux accrochées aux falaises volcaniques. Leurs dômes bleus captant la lumière semblaient des fragments de ciel tombés sur terre, tandis que des sentiers sinueux serpentaient à travers les falaises, promettant à la fois merveilles et secrets.

C’était d’une beauté saisissante, presque irréelle. Pourtant, une lourdeur se noua dans sa poitrine, un mélange de crainte et d’émerveillement balançant en elle, aussi doucement que le mouvement du ferry. Sous son bras, son carnet de croquis à la couverture usée portait les traces d’innombrables ébauches inachevées. Plus tôt, durant la traversée, elle l’avait ouvert, scrutant tour à tour l’étendue infinie de la mer bleue et les falaises abruptes qui se profilaient à l’horizon. Ses doigts, tenant un crayon hésitant, restèrent suspendus au-dessus des pages blanches. Elle avait voulu capturer les reflets scintillants des vagues et le jeu magique de la lumière sur l’eau, mais les formes refusaient de se figer. Frustrée, elle avait fermé le carnet, écrasée par le poids de l’échec, comme si elle portait un manteau trop lourd.

Son regard tomba sur ses mains, tachées de graphite par ses vaines tentatives. Cette vue lui serra l’estomac – un rappel brutal du blocage créatif qui la hantait depuis New York, une ombre tenace dont elle ne pouvait se défaire. Elle pensa à son ancien atelier, aux toiles inachevées entassées dans un coin. Puis elle pensa à Evan. Sa voix résonna dans son esprit, aussi tranchante que lors de leur dernière confrontation : « Peut-être que ce n’est plus ce que tu es. »

Une boule se forma dans sa gorge. Elle serra son carnet contre elle, presque instinctivement. Quitter New York avait été un acte de foi, un saut dans l’inconnu. C’était une tentative désespérée de prouver qu’Evan avait tort – et surtout de prouver à elle-même qu’elle avait encore quelque chose à offrir, encore une étincelle créative en elle. Mais ici, enveloppée d’une beauté si écrasante qu’elle en devenait oppressante, une petite voix lui murmurait qu’il avait peut-être raison. Et si ce lieu aussi ne pouvait rien tirer d’elle ?

« C’est la première fois ? » Une voix la sortit brusquement de ses pensées. Sophie tourna la tête pour voir une femme d’une quarantaine d’années, à la peau hâlée par le soleil, ses boucles sombres flottant dans la brise. Elle s’appuyait nonchalamment contre la rambarde, dégageant une assurance tranquille qui semblait dire que le monde entier pourrait s’ajuster à son rythme.

« Oui », répondit Sophie doucement, s’efforçant d’esquisser un sourire. « C’est magnifique. »

La femme lui rendit un sourire complice. « Ça l’est », répondit-elle. « Attendez de voir les falaises au coucher du soleil. Elles deviennent dorées, comme si elles s’embrasaient. » Puis elle inclina légèrement la tête, observant Sophie avec un intérêt curieux. « Vous restez longtemps ? »

« Je ne sais pas encore. » Sophie serra son carnet un peu plus fermement. « J’espère. »

La femme hocha la tête, son regard glissant vers le carnet serré sous le bras de Sophie. « Une artiste ? »

Sophie hésita, le mot restant coincé dans sa gorge. « J’essaie… »

La femme ne chercha pas à insister. Elle lui adressa un sourire chaleureux, empreint d’encouragement. « Eh bien, Santorin a une façon d’éveiller des choses. Même celles qu’on croyait perdues. » Puis, se redressant à l’instant où la corne du ferry retentit pour signaler leur arrivée, elle conclut : « Bonne chance, korítsi. »

Sophie la regarda s’éloigner, se mêlant à la foule qui devenait de plus en plus dense, ses mots continuant de résonner en elle. Éveiller des choses. Sophie n’était pas sûre de savoir si c’était ce qu’elle souhaitait ou ce dont elle avait le plus peur.

Le ferry accosta avec un léger choc. Ajustant la sangle de son sac sur son épaule, Sophie suivit le flot lent des passagers descendant la passerelle. Devant elle s’étendait une scène vibrante et chaotique. Les touristes, parlant dans des langues qu’elle ne reconnaissait pas, se mêlaient aux locaux, qui se déplaçaient avec une efficacité maîtrisée. Les vendeurs criaient depuis leurs stands le long du quai, proposant des trésors scintillants : des bouteilles d’huile d’olive dorée, des bijoux délicats en argent, des pots de miel de fleurs sauvages brillants comme de l’ambre sous le soleil. L’air retentissait de rires, du cri des mouettes lointaines et du clapotis des vagues contre les poteaux de bois.

Sophie hésita à la périphérie de la foule, submergée par l’intensité de cette scène. Elle serra un peu plus fort la sangle de son sac, prit une profonde inspiration et se força à avancer. L’odeur salée de la mer, mêlée au parfum discret des herbes des collines environnantes, la ramena légèrement à elle, juste assez pour faire son premier pas.

Les instructions du propriétaire de la location étaient simples : suivre le sentier qui montait doucement depuis le quai, passer devant une petite chapelle à la porte bleue écaillée. De là, les marches serpenteraient et grimperaient jusqu’à son village, où, quelque part près de la caldeira, son atelier l’attendait – avec, selon les mots du propriétaire, une vue à couper le souffle.

Hissant un peu plus haut son sac sur son épaule, Sophie s’engagea dans le sentier. Rapidement, le bruit du quai s’estompa, remplacé par le doux crissement de ses sandales sur les pavés. Le chemin était bordé de bougainvillées éclatantes débordant des murs blanchis à la chaux. Elle effleura du bout des doigts une branche traînante – les pétales étaient doux, légers comme du papier, et leurs couleurs éclataient sous le soleil grec. Ce bref contact tira une émotion indéfinie au fond d’elle. Elle s’arrêta, jetant un regard en arrière vers le quai en contrebas, désormais partiellement masqué par les hauteurs. La mer s’étendait au loin, une palette infinie de bleus scintillant sous la lumière changeante.

Elle ferma les yeux un instant, laissant la brise la traverser. Les paroles de la femme du ferry lui revinrent en mémoire, se mêlant au murmure du vent. Éveiller des choses. Peut-être était-ce ce dont elle avait besoin. Peut-être était-ce pour cela qu’elle était ici.

Quand elle rouvrit les yeux, son regard tomba sur son carnet de croquis.Les pages blanches ne semblaient plus aussi lourdes qu'avant, bien qu'elles reposassent encore fraîches contre sa paume. Avançant avec des pas lents et mesurés, elle poursuivit son chemin sur le sentier, son regard rivé à l'horizon où les falaises embrassaient le ciel. Quelque part, plus loin, son atelier l’attendait ; et avec lui, elle espérait découvrir l’étincelle qu’elle avait parcouru tant de distance pour trouver.