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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 2L'Ombre dans l'Affaire


Thea Larkson

Le bureau de Thea Larkson, perché au sommet de la tour Larkspire, était un sanctuaire dédié à la maîtrise et à la puissance. Des baies vitrées s'étendaient sur trois murs, offrant une vue panoramique sur la ville qui glissait doucement du jour à la nuit, les derniers rayons du soleil illuminant la ligne d'horizon scintillante. L'air sentait un mélange subtil de bois poli et d'ozone, des traces laissées par les systèmes d'IA de pointe qui faisaient partie intégrante de cet espace hautement perfectionné. Pourtant, le regard de Thea n'était ni captivé par ce panorama urbain, ni par la prouesse technologique qui l'entourait. Toute son attention était centrée sur l'homme qui se tenait devant son bureau : Lucien Draven.

Comme à son habitude, il était arrivé en avance. Sa présence exsudait une confiance naturelle, un magnétisme qui attirait irrésistiblement l'attention sans qu'il ait besoin de la réclamer. Le costume bleu nuit impeccable qu'il portait semblait non seulement épouser parfaitement sa silhouette, mais aussi être conçu pour mettre en valeur son élégance, chaque fibre jouant subtilement avec la lumière. Ses yeux d'un bleu perçant, trop vifs et pénétrants pour être véritablement détendus, scrutaient Thea avec une intensité tranquille. Un léger sourire flottait au coin de ses lèvres, comme s'il détenait un secret qu'elle n'avait pas encore deviné.

Thea haïssait les secrets. Pourtant, elle ne pouvait nier que l'aura de mystère qui émanait de lui était à la fois fascinante et déstabilisante. Ses doigts effleurèrent le bracelet Chronos élégant qu'elle portait à son poignet, dont le léger bourdonnement la ramena à la réalité, un rappel discret du contrôle qu'elle refusait de laisser s'échapper.

« Mademoiselle Larkson, » débuta Lucien avec un calme assuré, sa voix profonde et chaleureuse, évoquant un cognac vieilli servi dans un verre en cristal. « Je vous suis reconnaissant d'avoir pris le temps de me recevoir. Je suis certain que votre emploi du temps doit être — comment dire — impitoyable. »

« Il l'est, » répondit froidement Thea, sa voix aussi précise et affûtée que le tailleur impeccablement ajusté qu'elle portait. « Mais je sais m'accorder du temps pour les opportunités qui le méritent. Veillons à ce que celle-ci en vaille la peine pour nous deux, Monsieur Draven. »

Son ton, aussi tranchant que ses mots soigneusement choisis, semblait flotter dans l'air. Lucien hocha légèrement la tête, marquant une reconnaissance polie, bien que son attitude n'eût rien de servile. Tout dans son comportement respirait l'assurance, comme s'il évoluait avec une aisance naturelle dans cet environnement méticuleusement organisé.

Il posa un dossier impeccable sur le bureau, un geste précis et calculé, ses doigts s'attardant juste assez longtemps pour capter l'attention. Le regard de Thea s'attacha brièvement au dossier avant de revenir à son interlocuteur, son expression restant indéchiffrable.

« J'ai résumé les termes de la fusion envisagée, » annonça Lucien en prenant place dans le fauteuil face à elle avec une élégance presque féline. « Larkspire Innovations dispose de l'infrastructure, de la réputation et de la précision dont mon organisation a besoin. En contrepartie, je vous propose un accès à des marchés que vous avez à peine commencé à explorer. Ensemble, nous pourrions redéfinir le paysage mondial. »

Thea arqua un sourcil, son visage demeurant impassible. « Une déclaration ambitieuse, Monsieur Draven. Mais l'ambition est facile. L'exécution, c'est une tout autre affaire. »

Les lèvres de Lucien s'étirèrent en un sourire discret, une lueur presque prédatrice dansant dans ses yeux. « C'est précisément pour cela que je suis ici, Mademoiselle Larkson. Vous excellez dans l'exécution. C'est votre art. »

Thea ignora le compliment, bien que la formulation exacte de ses mots résonnât dans son esprit. Elle ouvrit le dossier, ses yeux gris scrutant les documents qu'il contenait. Les projections étaient alléchantes, les chiffres irréprochables. Trop irréprochables. Elle tourna une page avec soin, puis une autre, son esprit analytique démêlant les implications cachées derrière les données. La proposition semblait taillée sur mesure pour séduire ses ambitions, évoquant une tentation presque personnelle.

Son regard remonta vers lui, empreint de suspicion. « Cette proposition repose sur un niveau de confiance qui n'a pas encore été mérité, Monsieur Draven. Et la confiance… a un prix. »

Un léger rire, grave et profond, s'échappa de Lucien. « Et pourtant, vous avez bâti un empire en prenant des risques calculés. Je ne m'attends pas à ce que vous vous engagiez sans une évaluation rigoureuse. Je vous encourage, au contraire, à analyser mes intentions sous toutes leurs coutures. »

Pendant qu'il parlait, Thea ne perdait pas une miette des subtilités dans son attitude. Son calme, sa précision — tout cela avait quelque chose d'inquiétant. Elle se redressa légèrement dans son fauteuil, croisant ses doigts dans un geste délibéré pour affirmer son autorité. Lucien, cependant, ne montra aucun signe de trouble. Au contraire, il semblait savourer la tension, comme s'il avait attendu avec impatience ce duel verbal.

« Pourquoi maintenant ? » interrogea-t-elle d'un ton mesuré, le bourdonnement discret du système d'IA intégré dans son bureau se mêlant à l'air ambiant. « Pourquoi venir me voir à ce moment précis ? Mon entreprise prospère. Je n'ai guère besoin d'investisseurs. »

« C'est vrai, » concéda Lucien, son regard ne vacillant jamais. « Mais tout empire, si puissant soit-il, tire avantage de certaines alliances. Votre expansion est fulgurante, Mademoiselle Larkson. Ce n'est qu'une question de temps avant que vos concurrents ne s'en aperçoivent. Mes ressources peuvent consolider votre position et garantir que votre domination reste incontestée. »

La mâchoire de Thea se crispa imperceptiblement. Elle détestait admettre qu'il avait raison. L'incident de sabotage plus tôt dans la journée était une preuve suffisante que ses rivaux commençaient à bouger, même si elle n'en avait pas encore mesuré pleinement l'ampleur. Malgré tout, elle n'était pas prête à dévoiler ses cartes à Lucien Draven.

« Et vous, qu'y gagnez-vous ? » rétorqua-t-elle, sa voix tranchant l'atmosphère tendue. « Ne prétendons pas que c'est par altruisme. »

Le sourire de Lucien s'élargit légèrement, sans jamais devenir ostentatoire. « Votre franchise est rafraîchissante, Mademoiselle Larkson. Ce que je gagne, c'est l'accès. Vos compétences et mes ressources se complètent de façon unique. Vous cherchez le contrôle, j'apprécie l'innovation. Ensemble, nous pourrions exceller. »

Encore une fois, sous ses mots soigneusement choisis, un sous-texte se devinait, un courant subtil et à peine perceptible. Les instincts de Thea s'affinèrent, la mettant en garde contre toute précipitation. Pourtant, malgré sa méfiance, elle ne pouvait nier qu'il y avait quelque chose de captivant dans son charisme, une présence qui semblait envelopper la pièce, s'étendant comme une ombre dans chaque recoin.

Elle referma le dossier dans un claquement net, son expression redevenant impénétrable. « J'examinerai votre proposition en détail. Mon équipe effectuera une analyse approfondie, et je vous donnerai ma réponse d'ici la fin de la semaine. »

Lucien inclina la tête, acceptant sans réserve ses conditions. « Naturellement. Je n'attendais rien de moins. »

Alors qu'il se levait pour partir, Thea l'observa attentivement, ses pensées déjà en mouvement.Ses mouvements étaient fluides, presque surnaturels, ses pas imperceptibles sur le sol en marbre. Il s'arrêta devant la porte, se retournant pour lui faire face.

"Une dernière chose," dit-il, sa voix s'adoucissant légèrement. "Même la lame la mieux affûtée peut vaciller si elle est mal maniée. Faites preuve de prudence, Mlle Larkson."

Sur ces mots, il disparut, et la porte se referma dans un léger clic. Thea expira lentement, ses doigts effleurant le Bracelet Chronos à son poignet. Une faible lueur pulsa depuis l'objet, et son doux bourdonnement l’apaisa tandis qu’elle fixait la porte close.

Elle reporta son attention sur son bureau, activant l'interface holographique incrustée dans sa surface. Une cascade de lumière et de données envahit l’espace au-dessus de son bureau alors qu’elle accédait aux enregistrements de sécurité relatifs à l’intrusion précédente. Ses yeux gris s’aiguisèrent, examinant chaque détail des images qui défilaient devant elle. Au départ, tout semblait normal—jusqu’à ce que ce ne soit plus le cas.

L’intrus avait agi avec une prudence presque surnaturelle. Pourtant, il y avait des failles—des instants où la silhouette devenait floue, se déplaçant plus vite que les caméras ne pouvaient la suivre. Thea rembobina les images, plissant les yeux pour isoler les anomalies. Les mouvements étaient subtils mais calculés, comme si la silhouette connaissait précisément les angles morts. Un frisson parcourut sa nuque.

Son esprit s’emballa, reliant les fils de ses soupçons. L’arrivée de Lucien, ses avertissements énigmatiques, la sophistication de l’intrusion—c’était trop pour être une coïncidence. Pourtant, il n’y avait aucune preuve tangible. Pas encore.

Thea s’enfonça dans le dossier de sa chaise, contemplant les lumières de la ville. La ligne d’horizon scintillait comme un champ d’étoiles, mais elle n’y prêtait guère attention. La confiance avait un prix, et Lucien Draven, malgré tout son charme et son élégance, représentait un risque qu’elle ne pouvait se permettre de sous-estimer.

Pourtant, autant ses instincts lui dictaient de se méfier, une autre part d’elle—plus calme, plus insidieuse—était fascinée. Attirée par l’ombre qu’il incarnait.

Pour la première fois depuis des années, Thea ressentit une légère incertitude. Ses doigts se resserrèrent imperceptiblement sur le Bracelet Chronos, sa détermination se renforçant. Elle découvrirait la vérité sur Lucien Draven. À ses propres conditions et selon son propre rythme.

Quoi qu’il en coûte.