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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 2Refus de l'abandon


Léa Gabriel

Léa Gabriel était assise à son bureau, une table en bois usée encombrée de papiers, de carnets ouverts et d’un ordinateur portable dont l’écran affichait une multitude d’onglets ouverts. Une tasse de café froid trônait à côté de sa main, oubliée dans l’agitation mentale qui l’occupait. À travers les grandes fenêtres de son appartement haussmannien, la lumière grise d’une matinée parisienne filtrait, accentuant l’atmosphère oppressante qui pesait sur ses épaules. Cela faisait six mois que Rémi avait disparu, et avec lui, une partie de son souffle vital.

Léa passa une main tremblante dans ses cheveux châtains tirés en queue de cheval, son esprit bouillonnant de frustration et de culpabilité. Les recherches officielles n’avaient presque rien donné, ou du moins, elles ne lui avaient rien partagé. Lorsqu’elle avait insisté auprès de la police, elle avait été accueillie par la même rengaine : *« Vous devez être patiente. Nous faisons notre maximum. »* Mais elle savait mieux que quiconque ce que cela voulait dire. Son expérience en tant que journaliste d’investigation lui avait appris que le système, gangrené par ses propres limites et compromissions, ne pourrait pas l’aider à retrouver son frère.

Elle consulta une fois de plus les maigres indices dont elle disposait. Une pile de rapports de police obtenus clandestinement grâce à un contact, des notes griffonnées sur des suspects possibles, et des noms qui continuaient de revenir : Victor Veronine, Elena Morozova, et le mystérieux club *Le Jeu Faux*. Rémi s’était aventuré dans ce dernier avant de disparaître, c’était la seule évidence sur laquelle elle pouvait s’accrocher.

Elle ouvrit une vidéo enregistrée deux mois plus tôt : une caméra de surveillance montrant un homme ressemblant à Rémi marchant précipitamment dans une rue bondée. L’image était floue, mais Léa reconnaissait sa silhouette, sa démarche légèrement hâtive. Il était bien vivant à ce moment-là. Mais où était-il maintenant ?

Son téléphone vibra soudain sur la table, brisant le silence plombant de l’appartement. Elle attrapa l’appareil, le cœur battant, espérant contre toute raison que ce soit un message de Rémi. Mais ce n’était pas le cas.

Elle ouvrit l’application de messagerie et découvrit une photo.

Le souffle lui manqua. La photo montrait Rémi, vêtu de sa veste en jean, un air visiblement nerveux sur le visage, entrant dans ce qui semblait être l’entrée discrète d’un club. *Le Jeu Faux*, reconnut-elle immédiatement. Il n’y avait pas de doute possible.

Elle consulta à nouveau l’expéditeur. Aucun nom, aucun numéro. Juste un message cryptique joint à l’image :

*« Tu ne devrais pas creuser. Mais si tu veux des réponses, commence là. »*

Une sueur froide perla à la base de son cou. Qui avait envoyé ce message ? Était-ce une mise en garde sincère ou une manipulation ? Elle ne pouvait pas se permettre de l’ignorer, mais l’idée que quelqu’un surveillait ses faits et gestes la troubla profondément.

Elle zooma sur la photo, examinant chaque détail. Une ombre indistincte semblait se profiler près de Rémi, presque hors champ. Était-ce un hasard ou une indication ? Léa sentit son estomac se nouer.

La rage, l’inquiétude et une pointe de peur se disputaient en elle alors qu’elle se levait précipitamment, attrapant son sac et sa veste. Elle avait rendez-vous avec un commissaire de police ce matin, une énième tentative pour obtenir des informations officielles. Mais à présent, elle n’avait plus d’illusions : si elle voulait retrouver Rémi, elle devrait le faire seule.

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Léa pénétra dans le commissariat, une bâtisse grise et banale, où les néons blafards n’ajoutaient rien de chaleureux. Le bruit des téléphones, des discussions, et des claquements de claviers formait un fond sonore qui semblait étrangement déconnecté de l’urgence de sa situation.

Le commissaire Chastel l’attendait dans un bureau exigu, encombré de dossiers. L’homme, la cinquantaine, aux traits lourds et au regard las, semblait déjà agacé avant même qu’elle n’entre.

« Mademoiselle Gabriel, vous savez que je ne peux pas partager d’informations confidentielles, » lança-t-il dès qu’elle referma la porte derrière elle.

Léa ne lui laissa pas le temps de continuer. Elle sortit la photo de Rémi, imprimée rapidement sur une feuille, et la plaça sur le bureau devant lui.

« Vous ne pouvez pas me dire que ça, ça ne vous dit rien, » répliqua-t-elle, sa voix ferme et glaciale.

Le commissaire fronça les sourcils, jetant un coup d’œil à l’image. S’il fut surpris, il ne le montra pas. Il repoussa la feuille vers elle avec un soupir exagéré.

« Écoutez, ce club, c’est… compliqué. Ce n’est pas un endroit où quelqu’un de raisonnable devrait chercher à s’aventurer. Si votre frère s’y est rendu, ça dépasse nos capacités d’intervention. »

Léa croisa les bras, son regard perçant planté dans celui du commissaire. « Alors vous abandonnez ? C’est ça ? Vous savez ce qui se passe là-bas et vous préférez détourner les yeux, comme d’habitude ? »

Le commissaire posa ses coudes sur le bureau, joignant les mains devant lui. « Vous ne comprenez pas, mademoiselle Gabriel. Il y a des forces en jeu qui dépassent la police, des alliances politiques, économiques… Des gens qui ont bien plus de pouvoir que vous ou moi. »

Un silence lourd s’installa. Léa sentit une colère sourde monter en elle. Elle se pencha légèrement, réduisant la distance entre eux.

« Alors je vais poser une seule question, et vous allez y répondre honnêtement : qu’est-ce que vous savez exactement sur *Le Jeu Faux* ? »

Le commissaire détourna légèrement le regard, comme pour éviter de trop en dire. « Rien qui puisse vous aider. Et croyez-moi, vous ne voulez pas savoir. »

Léa le fixa un instant, puis se redressa. « Très bien. Mais ne venez pas pleurer quand je mettrai la vérité sur la table. »

Elle attrapa la feuille et quitta le bureau, ignorant les regards intrigués des officiers à l’extérieur.

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De retour dans les rues de Paris, Léa marcha rapidement sous un ciel bas et menaçant. Le commissaire ne lui avait rien donné, mais il avait confirmé une chose : *Le Jeu Faux* était un endroit où des forces puissantes régnaient. Cela ne faisait que renforcer sa détermination.

Elle s’arrêta un instant devant une vitrine, ses yeux se posant sur son reflet. La pluie avait commencé à tomber doucement, et elle s’aperçut que son visage était marqué par la fatigue et l’inquiétude. Elle se souvint d’un moment d’enfance, lorsque Rémi et elle jouaient sous la pluie, riant aux éclats malgré l’orage. Ce souvenir lui serra le cœur, mais il alluma aussi une flamme de résolution en elle.

Elle sortit son téléphone, regarda la photo de Rémi une nouvelle fois, puis l’effaça de son écran. Peu importe les avertissements, elle irait jusqu’au bout.

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De retour à son appartement, Léa s’installa à son bureau. Elle ouvrit un carnet et y nota ses prochaines étapes.

Trouver une entrée au Jeu Faux.

2. Identifier les membres du cercle proche de Victor Veronine.

3. Découvrir pourquoi son frère s’était retrouvé impliqué.

Elle passa la fin de la journée à éplucher des articles, des bases de données et tout ce qui pouvait contenir une trace d’invités ou de connexions avec le club. Vers minuit, un nom revint plusieurs fois, sous différentes formes : Elena Morozova.

Léa fronça les sourcils. Cette femme était liée directement à Victor, et si elle devait établir un lien avec *Le Jeu Faux*, c’était peut-être par elle qu’il fallait commencer. Elle nota ce détail avec soin.

Elle se laissa tomber sur son lit, ses pensées tourbillonnant. La pluie battait doucement contre les fenêtres, et l’obscurité de la nuit semblait refléter l’immensité du défi qui l’attendait. Mais elle n’avait jamais été du genre à reculer devant une bataille, encore moins quand il s’agissait de Rémi.

Le lendemain, elle mettrait son plan en marche.