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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 2Échos du Cœur


Thomas

Le cliquetis des claviers et le murmure des conversations feutrées dominaient l’atmosphère du cabinet d’avocats. Thomas Morel, installé à son bureau, parcourait un contrat volumineux. Ses yeux glissaient d’un paragraphe à l’autre, mais malgré la rigueur apparente de ses gestes, une étrange distraction s’immisçait dans son esprit. Une enveloppe, posée discrètement sur le coin de son bureau, captait son attention comme une force magnétique.

Le cachet de cire rouge, brisé avec soin, contrastait avec l’ordre méticuleux de son espace de travail. Il avait reçu cette réponse dans la caisse de fleurs livrée pour Julie, sa collègue et amie. L’odeur subtilement sucrée des fleurs semblait encore flotter dans l’air, comme une empreinte persistante. Depuis, il n’avait de cesse de penser aux mots soigneusement écrits qu’il avait découverts.

Thomas posa son stylo, laissant échapper un soupir presque imperceptible. Il hésita quelques secondes avant de saisir la lettre, ses doigts effleurant le papier avec une nervosité inhabituelle. Il la relut lentement, savourant chaque mot :

*“Votre lettre m’a troublée. Peut-être parce qu’elle résonne avec des choses que je pensais avoir oubliées. Je ne sais pas qui vous êtes, mais vos mots m’ont touchée. Peut-être devrais-je vous remercier. Peut-être devrais-je me méfier. Pourtant, je me surprends à vouloir en lire davantage.”*

Ces phrases, simples mais sincères, avaient déclenché une émotion inattendue en lui. C’était bien plus qu’une admiration pour l’élégance des mots : il y avait une sincérité brute qui semblait briser les murs qu’il avait si soigneusement érigés.

Une ombre de doute traversa son esprit. Était-ce vraiment Julie qui lui avait répondu ? Les fleurs, ce ton si honnête et poétique… Cela ne ressemblait pas à sa collègue pragmatique. Pourtant, il s’accrochait à cette idée, comme s’il préférait l’ordre rassurant d’une hypothèse logique au mystère déroutant qui s’offrait à lui.

Un bruit de pas précipités le tira de ses pensées. Antoine Lefèvre, son meilleur ami et collègue occasionnel, entra dans le bureau sans frapper, une tasse de café à la main.

« Toujours aussi accueillant, Thomas. Tu sais que ton bureau est aussi chaleureux qu’une salle d’attente d’hôpital, hein ? » Antoine lança un regard moqueur à l’unique plante en pot sur l’étagère, une petite succulente qui semblait presque déplacée dans cet univers austère.

Thomas haussa un sourcil, visiblement peu amusé. « Je préfère le minimalisme. »

Antoine, imperturbable, s’installa dans le fauteuil face à lui, un sourire narquois aux lèvres. « Minimalisme ou pas, tu as l’air ailleurs. Et ça, ce n’est pas ton habitude. »

Thomas reposa la lettre, tentant de dissimuler son trouble. « Tu te fais des idées. »

Antoine éclata de rire. « Des idées, moi ? Non, je constate. Et je constate surtout que tu as passé les cinq dernières minutes à fixer cette enveloppe comme si elle allait te parler. »

Thomas croisa les bras, mais son regard trahissait une légère gêne. « C’est une simple lettre. Rien d’extraordinaire. »

Antoine pencha la tête, amusé. « Une “simple lettre” qui te rend nerveux ? Allez, montre-moi ça. »

Thomas hésita un instant, mais finit par faire glisser la lettre vers son ami. Antoine la lut rapidement, un sourire grandissant sur son visage à mesure qu’il progressait.

« Eh bien, eh bien... Qui aurait cru que le grand Thomas Morel recevrait des lettres aussi poétiques ? Tu caches bien ton jeu ! »

Thomas se redressa légèrement, adoptant une posture défensive. « C’est une réponse à une lettre que j’ai écrite. Une correspondance professionnelle, rien de plus. »

Antoine haussa un sourcil, sceptique. « Professionnelle ? Ces mots transpirent l’intimité, mon vieux. Alors, dis-moi, qui est cette mystérieuse correspondante ? »

Thomas serra légèrement les mâchoires, cherchant ses mots. « Je pense que c’est Julie. Elle m’a demandé de rédiger un brouillon pour une campagne marketing et, disons, j’ai peut-être pris quelques libertés stylistiques. Sa réponse doit être une sorte de… jeu, ou un retour. »

Antoine éclata de rire, secouant la tête avec incrédulité. « Julie ? Sérieusement ? Cette Julie Martin qui adore les chiffres et les tableaux Excel ? Je ne dis pas qu’elle n’est pas capable d’écrire de belles choses, mais ça… ça ne lui ressemble pas. »

Thomas haussa les épaules, s’accrochant à son explication. « Pourquoi pas ? Elle est cultivée, elle apprécie l’art. Peut-être qu’elle voulait expérimenter. »

Antoine secoua la tête, toujours amusé. « D’accord, mettons que ce soit elle. Alors, qu’est-ce que tu vas faire ? »

Thomas haussa un sourcil. « Faire ? Je vais répondre, évidemment. Ce serait impoli de ne pas le faire. »

Antoine hocha la tête, un sourire en coin. « Bien, bien. Mais écoute-moi, Thomas. Ne réfléchis pas trop. Laisse parler ton cœur, pour une fois. »

Thomas roula des yeux, mais un léger sourire adoucit son expression. « Merci pour ce conseil d’une profondeur bouleversante. »

Antoine leva sa tasse dans un geste de salut avant de se diriger vers la porte. « Toujours là pour toi. Bonne chance, poète. Et souviens-toi : parfois, les mots savent des choses que nous ignorons encore. »

Une fois seul, Thomas resta un moment immobile, les paroles d’Antoine résonnant dans son esprit. Il prit finalement son carnet de notes et son stylo préféré.

Les premiers mots vinrent difficilement, hésitants, comme s’il craignait de trop ou de mal se dévoiler. Par moments, il s’interrompait, raturait, relisait. Mais peu à peu, une sincérité émergea, plus forte que ses hésitations :

*“Vos mots m’ont touché plus profondément que je ne saurais l’exprimer. Vous avez raison, il y a dans cette correspondance une part de mystère qui invite à la prudence. Et pourtant, je me surprends, moi aussi, à attendre la prochaine lettre avec impatience. Peut-être parce que vos mots évoquent une part de moi que j’avais mise de côté. Peut-être parce que, comme vous, je ressens le besoin de lire davantage.”*

Satisfait, il plia soigneusement la lettre, la glissa dans une enveloppe et dessina un cachet improvisé avec un stylo rouge.

Le lendemain matin, il passa devant la boutique de Julie avant de se rendre au travail. En déposant l’enveloppe dans la caisse de fleurs prévue pour la livraison, il sentit une curieuse chaleur l’envahir. Une étincelle d’excitation réchauffait son cœur, lui rappelant une part de lui qu’il avait presque oubliée.