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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 2L'Éclat de la Violence


Camille Darmon

Le bruit des clés tourna dans la serrure, brisant le silence pesant de l'appartement. Camille, assise sur le canapé, sentit son cœur s’accélérer, une réaction presque instinctive. Elle avait espéré que Julien reste à cette réunion de dernière minute qu’il avait mentionnée. Quelques heures de répit, voilà tout ce qu’elle demandait. Mais ses espoirs s’éteignirent à l’instant où elle entendit la porte s’ouvrir.

Dans l’obscurité relative du salon, elle sentit sa gorge se serrer. Ses mains étaient moites, ses doigts crispés sur l’accoudoir du canapé. Elle essaya de ralentir sa respiration, mais son souffle restait court, prisonnier de cette oppression familière.

Julien entra, encore vêtu de son costume impeccable, son odeur musquée envahissant aussitôt l’espace. Son visage affichait une nervosité qu’il masqua rapidement derrière un sourire calculé. Camille détourna les yeux, fixant la table basse devant elle, mais elle sentait déjà le poids de son regard sur elle.

« Camille, » dit-il doucement, mais avec une froideur sous-jacente qui fit frissonner sa nuque, « viens ici. »

Elle hésita une fraction de seconde avant d’obéir. Ses jambes étaient lourdes, comme si chaque pas vers lui l’enfermait davantage dans cette prison invisible. Lorsqu’elle fut à portée, il attrapa doucement son menton pour relever son visage. Ce geste, en apparence tendre, était chargé d’une maîtrise glaciale.

« Tu sais ce que j’ai ressenti ce soir ? » demanda-t-il, son souffle effleurant sa peau.

Elle secoua légèrement la tête, son regard fuyant le sien.

« J’ai ressenti que tu faisais tout pour me ridiculiser. »

Sa voix était basse, chaque mot glacial. Camille ouvrit la bouche pour protester, mais il la coupa d’un ton plus sec.

« Tu n’as pas dit un mot. Tu n’as fait aucun effort, Camille. Les gens ont remarqué. » Il marqua une pause, ses yeux ancrés dans les siens, une intensité suffocante dans son ton. « Tu sais ce que ça signifie pour moi, ces soirées. Pour nous. »

Pour nous. Ces mots résonnèrent en elle, empreints d’une ironie cruelle. Il n’y avait jamais eu de « nous ». Juste lui et cette ombre qu’il l’avait forcée à devenir.

« Je suis désolée, » murmura-t-elle, la gorge serrée et le cœur battant.

Il relâcha son menton et recula de quelques pas, mais son regard ne la quittait pas. Il semblait peser chaque mouvement, chaque mot.

« Désolée ? Désolée ne suffit pas. »

Il fit volte-face, traversant lentement le salon. Ses doigts effleurèrent distraitement les objets sur une étagère, un rituel qui n’avait rien d’innocent. Camille resta immobile, l’attente rendant chaque seconde insupportable.

« Tu sais, » reprit-il, sa voix soudain plus légère, presque chantante, ce qui était encore plus inquiétant, « je fais tout pour nous. Pour que tu sois bien. Pour que nous soyons bien. Mais toi, tu n’apprécies rien, n’est-ce pas ? »

Elle serra les mains, les ongles s’enfonçant dans ses paumes. Elle aurait voulu répondre, mais sa voix semblait bloquée, prisonnière de cette tension oppressante.

Puis il s’arrêta. Lorsque Julien se retourna, ses yeux brûlaient d’une colère contenue.

« C’est ça ton problème, Camille. Tu ne comprends pas ce que tu as. »

Il fit un pas vers elle. Camille recula instinctivement, son souffle saccadé.

« Pourquoi tu recules ? » demanda-t-il, sa voix tranchante.

Elle ne répondit pas. Chaque mouvement semblait attiser sa fureur. Avant qu’elle ne puisse réagir, Julien attrapa son poignet.

La douleur fut vive, brutale. Camille tenta de se dégager, mais sa prise était ferme.

« Tu veux toujours fuir, c’est ça ? C’est ça ton idée ? » Sa voix s’éleva, une tonalité qu’elle ne reconnaissait pas.

Elle murmura, à peine audible : « Julien, arrête. »

Il desserra sa prise avec un geste abrupt, mais sa colère ne disparaissait pas. Elle recula précipitamment, massant son poignet endolori.

« Tu crois que je suis le méchant ? » reprit-il d’une voix glaciale. « Tout ce que je fais, c’est pour toi, Camille. Pour nous. Mais toi ! »

Il frappa le bord de la table du plat de la main, le bruit résonnant dans le silence oppressant. Camille sursauta mais resta figée.

« Regarde-toi… » Son regard était méprisant, ses mots tranchants comme des lames. « Tu me rends fou, Camille. Tu… »

Il s’interrompit, passant une main dans ses cheveux, un geste nerveux inhabituel. Puis il tourna les talons, quittant la pièce en claquant violemment la porte de leur chambre.

Le souffle que Camille retenait s’échappa en un sanglot étouffé. Elle s’effondra sur le canapé, tremblante, son esprit tourbillonnant sous le poids des événements.

Elle passa une main sur son visage, tentant de se reprendre. Mais une idée perça le chaos dans son esprit : elle devait partir. Après des mois d’hésitations et de doutes, ce moment venait de sceller sa décision.

Camille se leva lentement, ses jambes tremblantes, et s’approcha de leur chambre. Avec précaution, elle ouvrit la porte. Julien était allongé sur le lit, les yeux fermés, son souffle irrégulier. Elle retint son propre souffle, refermant doucement la porte derrière elle.

De retour dans le salon, elle se précipita vers le buffet. Ses mains tremblaient lorsqu’elle ouvrit le tiroir. L’appareil photo était là, intact. Elle le saisit, le poids rassurant contre sa paume. Cet objet était bien plus qu’un appareil : c’était une part d’elle-même qu’elle refusait de perdre.

Elle tira son sac à main d’un fauteuil, glissant à l’intérieur son portefeuille, son téléphone et les économies qu’elle avait mises de côté. Ses doigts effleurèrent le billet de train pour Saint-Malo, dissimulé dans une poche. Elle s’arrêta un instant, respirant profondément. Ce billet représentait autant une promesse qu’un saut dans l’inconnu.

Son cœur battait à tout rompre. Elle se dirigea vers la porte d’entrée, éteignant les lumières derrière elle. Elle jeta un dernier regard à cet espace froid et impeccable, symbole de son emprisonnement.

Quand elle franchit la porte, une bouffée d’air froid lui caressa le visage. Pour la première fois depuis des mois, elle sentit une lueur d’espoir jaillir au milieu des ombres. Il était temps de retrouver la lumière.