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Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 3Plongée dans les codes


Alice Duval

L’air frais de la nuit s’engouffra dans le col de son blouson en cuir alors qu’Alice descendait une ruelle désertée, ses bottines résonnant sur les pavés humides. Paris dormait, mais pas elle. Pas ce soir. Son sac, où elle avait glissé son ordinateur et quelques outils essentiels, pesait lourd sur son épaule. Les coordonnées découvertes dans le fichier de Charles ne cessaient de tourner dans son esprit. Elles n’étaient pas un lieu évident, mais elles signifiaient quelque chose. Charles n’aurait pas risqué de coder ces informations si elles n’avaient pas une importance cruciale.

Elle s’arrêta juste sous un réverbère grésillant, son souffle formant une vapeur blanche dans l’air froid. Elle sortit son téléphone et ouvrit une application cryptée qu’elle avait développée elle-même. Une superposition de réseaux urbains invisibles – catacombes, égouts, tunnels désaffectés – apparut sur l’écran. Une convergence près des coordonnées, sous un vieux quartier du Marais, attira son attention.

Pourquoi Charles l’avait conduite ici ? L’idée de marcher dans son sillage réveilla une douleur familière : culpabilité et perte s’entremêlaient. Charles avait toujours été méthodique, précis. S’il avait pris la peine de coder ces informations, c’était un appel à l’aide, même posthume.

Alice jeta un regard circulaire. Pas un bruit, à part un scooter lointain. Pourtant, ce sentiment d’être surveillée ne la quittait pas. Une tension familière, comme un étau invisible, comprimait sa poitrine. Elle inspira profondément et reprit sa route, marchant plus vite.

Quelques minutes plus tard, elle atteignit une entrée dissimulée derrière un vieux bâtiment. C’était une bouche d’égout discrètement camouflée. Ses mains étaient déjà en action avant qu’elle ne réalise pleinement ce qu’elle faisait. Les réflexes acquis dans les services secrets reprenaient le dessus. L’accès était rouillé, mais grâce à ses outils, elle réussit à ouvrir la grille.

Une fois à l’intérieur, elle referma précautionneusement le passage derrière elle. L’obscurité totale l’engloutit comme un piège. Une odeur âcre de terre humide et de moisissure monta immédiatement, faisant picoter son nez. Allumant sa lampe torche, Alice projeta un faisceau étroit qui dansait sur les murs de pierre.

Le sol était glissant, parsemé de débris et d’ordures. Les catacombes lui rappelaient les exercices d’entraînement de sa jeunesse à la DGSE. Elle se souvenait des instructions froides et claires : « Orientez-vous avec précision. La moindre erreur peut être fatale. » À l’époque, c’était un jeu. Aujourd’hui, c’était une question de survie.

Elle progressa lentement, vérifiant sa position à l’aide de la carte sur son téléphone, jusqu’à ce que le GPS perde tout signal. Elle soupira, puis recomposa son chemin de mémoire, se fiant aux repères qu’elle avait mémorisés dans ses années passées.

Finalement, elle atteignit une intersection particulière. Une étoile gravée dans la pierre, usée par le temps, marquait l’endroit. En s’approchant, elle distingua un détail qui fit battre son cœur plus fort : au centre de l’étoile, une lettre était gravée, presque effacée. Un « C ».

Elle s’agenouilla, la lumière vacillante de sa lampe éclairant la pierre. Elle tendit une main tremblante pour toucher le symbole. Les souvenirs de Charles affluèrent : son rire, son obsession des détails, la manière dont il insistait toujours pour codifier tout ce qu’il jugeait important. Cette étoile et ce « C », c’était son empreinte.

« Alors, tu m’as vraiment laissé un message… » murmura-t-elle.

Sortant son ordinateur portable, elle le posa sur le sol humide avec précaution, bien qu’elle déteste l’idée de l’exposer à cet environnement hostile. Elle connecta un dispositif USB à son appareil. C’était un outil de détection conçu pour capter des signaux résiduels – Wi-Fi, RFID, ou autres fréquences inaudibles. Elle espérait que Charles avait laissé quelque chose ici, dissimulé où personne ne chercherait.

Après quelques minutes de balayage, une anomalie apparut. Une fréquence inhabituelle émanait d’un mur voisin, derrière une pile de pierres écroulées. Alice fronça les sourcils. Elle rangea son ordinateur et commença à déplacer les pierres avec précaution.

Elle découvrit un conduit étroit. Tout au fond, un petit boîtier métallique, rouillé mais intact, était dissimulé. Elle l’extirpa avec soin et l’inspecta. Des voyants LED faiblement lumineux clignotaient encore. Charles avait caché ça ici, loin des radars numériques habituels.

Connectant son ordinateur au boîtier, elle commença le décryptage. Le processus, complexe mais familier, lui semblait interminable. Chaque seconde, le silence des catacombes devenait plus oppressant. Les gouttes d’eau tombant du plafond résonnaient comme des coups de marteau.

Enfin, les fichiers s’ouvrirent. Alice resta figée devant l’écran, assimilant les informations à une vitesse fulgurante.

Des photos, des schémas, des documents cryptés. L’un des schémas attira immédiatement son attention : un organigramme complexe avec des noms de code – HERMÈS, MINERVE, JANUS – reliés à des figures politiques et militaires. Au centre, un visage familier. Victor Lambert.

Son souffle se coupa. Pourquoi Victor ? Pourquoi était-il ici, mêlé à ce réseau de noms et de codes ?

Puis, une phrase dans un document acheva de la glacer : « Opération JANUS : Infiltration et neutralisation des éléments perturbateurs. A.D. – Phase finale. »

Phase finale.

Elle comprit qu’elle était la cible. Pas seulement elle, mais peut-être même Emma. Ses doigts tremblaient légèrement alors qu’elle fermait les fichiers. Elle savait trop bien ce que signifiait « neutralisation ».

Un bruit derrière elle la ramena brutalement à la réalité. Elle éteignit sa lampe et plongea dans l’obscurité, retenant son souffle.

Un murmure s’éleva : « Tu es plus rapide que je ne le pensais, Alice. »

Elle se figea. Cette voix…

« Charles t’a bien formée. Mais tu es toujours trop prévisible. »

Elle serra les dents. Victor Lambert.

« Pourquoi es-tu ici ? » demanda-t-elle, sa voix basse, maîtrisée.

Un rire faible résonna. « Toujours aussi directe. Mais je ne suis pas ton ennemi. Si je voulais te tuer, tu ne serais plus là pour me parler. »

Alice sentit une colère sourde monter en elle, mais elle la maîtrisa. « Donne-moi une raison de te croire. »

« Parce que je te rends service, Alice. Pars. Quitte Paris. Tu n’es pas prête pour ce que tu affrontes. »

Sa voix changea, devenant plus grave : « Et si tu veux protéger Emma, tu n’as pas le choix. »

Elle serra son couteau de poche, résistant à l’impulsion de le jeter dans l’obscurité. Mais Victor recula avant qu’elle ne puisse répondre, son pas s’éloignant dans un écho qui disparut rapidement.

Alice ralluma sa lampe, le cœur battant à tout rompre. Il n’était plus là. Mais ses paroles continuaient de résonner.

Elle savait une chose : elle n’avait plus de temps.