Télécharger l'application

Romans de romance dans un seul endroit

Chapitre 2Silence glacé


Sophie Delacroix

Le lendemain matin, la lumière froide du petit matin s’infiltrait à travers les volets partiellement clos de la chambre de Sophie. Les ombres dansaient doucement sur les murs pâles, créant un contraste avec l’agitation qui grondait dans son esprit. Elle avait à peine dormi, hantée par les échos de la scène de la veille. Le craquement de la glace, le bruit sec, l’image de Guillaume s’effondrant… Tout semblait encore vividement imprimé dans sa mémoire.

Assise sur le bord de son lit, elle tenait entre ses mains une tasse de thé, le liquide ambré refroidi depuis longtemps. Ses doigts tremblaient légèrement, mais elle ne le remarquait pas. Chaque gorgée lui brûlait pourtant faiblement la gorge, un rappel cruel qu’elle était bien éveillée, que ce cauchemar était réel. Une douleur sourde pulsait dans sa poitrine, mélangée à une culpabilité lancinante. Elle aurait dû intervenir. Elle aurait dû crier. Mais elle n’avait rien fait.

Les nouvelles n’avaient pas tardé à se répandre. Guillaume était mort.

Elle avait espéré que la vérité surgirait dans un élan de justice. Une enquête, des interrogations, un tumulte à la hauteur de ce qu’elle avait vu. Pourtant, dès qu’elle alluma son téléphone, les titres impassibles s’affichèrent froidement : « Tragique accident à la patinoire de Chamonix ». Une chute, disait-on. Une simple chute.

Sophie sentit une nausée monter en elle. Son pouce parcourut maladroitement l’écran, s’arrêtant sur les commentaires qui accompagnaient les articles. Certains regrettaient la perte d’un entraîneur passionné, d’autres faisaient allusion à des dettes ou des tensions qu’elle ignorait. Une phrase en particulier la déstabilisa : « Il avait l’air préoccupé ces derniers mois, comme s’il portait un lourd secret. »

Elle posa son téléphone, les mains moites, et ferma les yeux. Une vague de colère et de désespoir l’envahit. Ils avaient réussi à transformer un meurtre en accident. Ce monde qu’elle admirait tant, ce monde de précision et de discipline, s’avérait gangrené par le mensonge.

Un coup léger retentit à la porte, la faisant sursauter et interrompant le flux de ses pensées. Elle reposa précipitamment sa tasse sur la table de chevet, jetant un regard rapide et nerveux autour d’elle, comme si elle craignait qu’on découvre ce qu’elle savait.

« Sophie, c’est moi. » La voix familière de Louise était douce, teintée d’une hésitation inhabituelle.

Sophie inspira profondément avant de se lever pour ouvrir. Louise entra rapidement, son visage rougi par le froid extérieur, son écharpe de laine colorée enroulée autour de son cou. Elle apportait une touche de vie dans cette chambre presque figée dans le temps.

« J’ai appris la nouvelle ce matin, » dit-elle en retirant son manteau. Elle s’assit sur le bord du lit, un mélange d’inquiétude et de curiosité dans son regard. « Comment tu te sens ? »

Sophie haussa les épaules, incapable de répondre immédiatement. Comment pouvait-elle mettre des mots sur ce qu’elle avait vu ? Devait-elle même essayer ?

« C’est tellement horrible, » reprit Louise, jouant distraitement avec une mèche de ses cheveux courts. « Ils disent que c’était une chute, mais… » Elle plissa les yeux, cherchant ses mots. « Tu trouves pas ça bizarre, toi aussi ? Guillaume, un accident ? Ça colle pas. »

Le cœur de Sophie s’emballa. Elle fixa Louise un instant, guettant une intention cachée dans ses paroles. Louise semblait sincère, mais pouvait-elle lui parler franchement ?

« Oui… étrange, » murmura-t-elle, hésitant.

« Tu crois que… » Louise s’interrompit, comme si elle avait peur d’aller trop loin.

Sophie sentit une bouffée de frustration monter. Louise n’avait aucune idée de ce qu’il s’était vraiment passé, de ce qu’elle avait vu. Elle serra les poings, luttant contre l’envie de tout déverser. Mais les images de la nuit précédente revinrent, brutales : l’ombre de l’homme, ses pas s’éloignant sur la glace, le regard vide de Guillaume.

« Rien, » lâcha-t-elle finalement, tournant le dos à Louise pour regarder par la fenêtre. Les montagnes enneigées s’étendaient à perte de vue, majestueuses mais froides, indifférentes à sa douleur.

Louise soupira. « Tu sais, si jamais tu veux en parler, je suis là. »

Sophie hocha la tête sans se retourner, absorbée par ses pensées. Après quelques instants, Louise posa une main légère sur son épaule.

« Je vais te laisser un peu de temps. Appelle-moi si tu as besoin, d’accord ? »

Sophie acquiesça à nouveau, et Louise quitta la pièce en silence.

Dès qu’elle fut seule, Sophie sentit une vague de panique l’envahir. Elle ferma les rideaux et retourna s’asseoir sur son lit, enroulant ses bras autour de ses genoux comme pour se protéger. Mais elle ne pouvait pas fuir ses pensées.

Elle revoyait le regard de Guillaume, intense, presque implorant, la dernière fois qu’ils avaient parlé. Il avait mentionné une chose importante, quelque chose qu’il voulait lui confier. Puis elle se souvint : il avait fouillé dans son sac, cherchant un objet qu’elle n’avait pas vu. Une clé USB ? Des documents ?

Soudain, tout sembla s’éclairer. Et si Guillaume avait laissé quelque chose, quelque part ? Un indice, une preuve ?

Elle se redressa brusquement, une idée naissante dans son esprit. Elle devait fouiller dans ses affaires, chercher, creuser. Mais une autre pensée s’imposa aussitôt : si elle trouvait quelque chose, elle serait en danger. Cet inconnu... Il savait qu’elle était proche de Guillaume.

Son cœur battait à tout rompre. Elle pensa à Guillaume, à son sourire chaleureux et à ses encouragements constants. « Peu importe ce que tu affrontes, tu te relèveras toujours, Sophie, » l’entendait-elle dire dans sa tête.

Elle inspira profondément et se leva. Peu importe les risques, elle devait savoir. Elle devait découvrir ce que Guillaume avait voulu lui confier.

Pour lui. Pour la vérité.